Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 52.djvu/653

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peuple ; mais il rencontra encore une fois, devant lui l’opposition intraitable qui avait arrêté et perdu Joseph II. Tous les évêques de Belgique rédigèrent en commun et revêtirent de leurs signatures un jugement doctrinal qui condamnait la constitution si libérale de Guillaume et qui défendait d’y prêter serment. Ils fulminaient l’anathème contre ces nouveautés impies au nom des principes immuables de l’église. — Le jugement doctrinal expose si nettement la politique traditionnelle du clergé belge et jette tant de jour sur l’histoire des partis, qu’il est indispensable d’en donner d’assez longs extraits. Voici d’abord la condamnation des articles 190 et 191 de la constitution, qui garantissaient la liberté de conscience :


« Jurer de maintenir la liberté des opinions religieuses et la protection égale accordée à tous les cultes, qu’est-ce autre chose que de jurer de maintenir, de protéger l’erreur comme la vérité, de favoriser le progrès des doctrines anti-catholiques, de contribuer ainsi on ne peut plus efficacement à éteindre le flambeau de la vraie foi dans ces belles contrées ? L’église catholique, qui a toujours repoussé de son sein l’erreur et l’hérésie, ne pourrait regarder comme ses vrais enfans ceux qui oseraient jurer de maintenir ce qu’elle n’a jamais cessé de condamner. Il est notoire que cette dangereuse nouveauté n’a été introduite pour la première fois dans une église catholique que par les révolutionnaires de France, il y a environ vingt-cinq ans, et qu’à cette époque le chef de l’église la condamna hautement. « Les maux que nous déplorons, dit-il, ont été occasionnés par les fausses doctrines qu’on a répandues depuis longtemps dans une multitude d’écrits empoisonnés qui se trouvent dans les mains de tout le monde, et c’est afin que cette funeste contagion se propageât avec plus de hardiesse et de rapidité par le moyen de la presse, qu’une des premières opérations de l’assemblée nationale a été de décréter la liberté de penser ce qu’on voudrait en matière religieuse, d’exprimer librement et impunément ses opinions à cet égard… (Allocution du 29 mars 1790.) »


Après avoir repoussé l’égale admissibilité de tous aux fonctions publiques, la pièce que nous citons continue :


« Jurer d’observer et de maintenir une loi qui suppose que l’église catholique est soumise aux lois de l’état et qui donne au souverain le droit d’obliger le clergé et les fidèles à obéir à toutes les lois de l’état, c’est s’exposer manifestement à coopérer à l’asservissement de l’église catholique. C’est au fond soumettre, suivant l’expression de notre saint père le pape, la puissance spirituelle aux caprices de la puissance séculière. (Bulle du 20 juin 1809). »


Ce que les évêques réclamaient, c’est que, comme au moyen âge, l’église fût placée hors de l’état, au-dessus de l’état ; et que ses ministres fussent dispensés d’obéir aux lois. C’étaient en un mot l’abdication du pouvoir civil et l’anarchie. Ils ne peuvent admettre non plus que l’autorité laïque règle l’instruction publique qui leur