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dont la fertilité égale actuellement celle des plaines les plus renommées de la France. La province d’Oran se peuple d’Européens, et les colons maltais, espagnols du continent et des îles Baléares ont réussi partout où ils se sont établis.

Simple naturaliste, je me déclare incompétent pour discuter les mesures administratives propres à favoriser la colonisation. Cependant une chose me paraît évidente : la réglementation excessive et le système de tracasseries involontaires qui en est la conséquence forcée sont là, comme ailleurs, le vice de l’administration française. Toutes ces conditions imposées aux arrivans, toutes ces concessions provisoires avec lesquelles un colon reste pendant des années sur son terrain sans savoir s’il en sera un jour propriétaire, sont évidemment de fausses mesures. Imitons les pays où la colonisation réussit, les États-Unis ; vendez le sol et ne cherchez pas à prévenir des abus moindres que ceux dont on se plaint, ou bien suivez les plans du maréchal Bugeaud, favorisez l’établissement en Algérie des soldats libérés de l’armée d’Afrique, donnez-leur des terres avec les bâtimens d’exploitation, rendez-les propriétaires, et ils s’attacheront au sol qu’ils auront conquis et fécondé. Avant tout, que l’administration soit une et que la colonie ne reste pas soumise à deux régimes, le régime militaire et le régime civil ; c’est là la plaie vive de l’Algérie, et, quand on considère les services que l’armée a rendus et rend encore à la colonie, l’hésitation n’est pas possible. L’armée seule est puissante. Qu’il s’agisse de faire une route, un pont, de fonder une ville, le génie civil n’a point de bras à sa disposition. Les Arabes ne veulent pas travailler, les Européens sont trop peu nombreux, la main-d’œuvre est hors de prix. L’atelier militaire est immédiatement formé, et les travaux s’achèvent avec une rapidité merveilleuse. La netteté et la promptitude des décisions militaires sont un bien dans un pays à moitié civilisé. Les formalités sans fin de l’administration civile, la circulation si lente des dossiers passant à travers toutes les autorités hiérarchiques et se multipliant indéfiniment pendant le trajet, compliquent et paralysent tout. Nous nous en plaignons en France, dans le pays où nous sommes nés, où nous sommes établis ; mais qu’on se figure les angoisses d’un pauvre colon attendant, sur une terre étrangère et en usant ses dernières ressources, une décision qui n’arrive pas. L’administration la plus expéditive est dans ce cas la meilleure, et une réponse prompte et catégorique préférable à tous les ambages et à toutes les formalités. Quant aux Arabes, vouloir qu’ils comprennent l’idée abstraite d’une autorité morale, sans armes, sans insignes, vouloir qu’un peuple venu d’Orient comprenne l’adage romain : cedant arma togœ, c’est une illusion pardonnable chez ceux qui n’ont jamais mis le pied en Asie ni en Afrique. Pour des