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dont jouissent déjà les oasis de l’Oued-Rir, des puits artésiens. Il serait digne du gouvernement français de les affranchir du travail de Sisyphe que nécessitent leurs jardins creusés dans le sable, et de faire jaillir à la surface du sol ces eaux souterraines qui sont la vie de leurs dattiers. Que la sonde artésienne atteigne ces nappes bienfaisantes, et les oasis du Souf se multiplieront comme celles de l’Oued-Rir, et formeront un chapelet continu jusqu’aux frontières de la Tunisie, que la force des choses et le vœu des populations paisibles relieront tôt ou tard à la France africaine.


II. — REPARTITION DES POPULATIONS.

Quels sont les enseignemens de la géographie physique et de l’ethnographie sur la meilleure répartition à la surface du sol de l’Algérie des populations si diverses qui l’habitent ? Il suffira d’un bref examen du pays pour répondre à cette question. La région littorale ou le Tell, prolongement de la France méridionale, est évidemment la portion la plus favorable à la colonisation. Le colon français y retrouve le climat un peu exagéré, mais enfin le climat de la France. Voisin de la mer, il communique facilement avec son pays, et se sent pour ainsi dire plus près du sein de la mère-patrie. Les cultures sont les mêmes : céréales, oliviers, orangers, tabac, légumes en primeur. Les ports d’embarquement n’étant pas éloignés, les transports ne sont ni longs, ni coûteux. Or c’est une question capitale dans la lutte qui s’établit nécessairement entre le colon et le cultivateur indigène ; pour celui-ci, le temps n’a point de valeur : ses chameaux, broutant les herbes qui croissent sur le bord de la route, ne lui coûtent rien. L’Arabe lui-même emporte quelques dattes et la farine dont il fait ses galettes ; la nuit, il dort en plein air à côté de ses dromadaires. Un transport, même lointain, n’augmente pas le prix des objets transportés. Il n’en est pas de même du colon. S’il est placé dans l’intérieur des terres, ses produits, arrivés au port d’embarquement, sont grevés de frais proportionnels à la longueur du trajet. De là une concurrence où le colon est vaincu d’autant plus sûrement qu’il ne saurait produire le blé au même prix que l’Arabe : celui-ci, entamant à peine le sol avec son araire de bois, va errer au loin pendant que sa récolte mûrit et revient seulement pour la recueillir et la vendre. Un rendement de trois ou quatre est un bénéfice pour lui ; pour le colon, ce serait une perte. D’un autre côté, ne serait-il pas souverainement injuste d’accorder aux Arabes de bonnes terres, qu’ils cultiveront toujours fort mal, et de les refuser au colon, qui en tirerait tous les produits qu’elles peuvent donner ? D’ailleurs l’expérience a parlé : c’est dans le Tell que la colonisation a le mieux réussi. La Mitidja est une large vallée