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arrosent sont d’abord dessalés, puis plantés en palmiers, qui produisent au bout de huit ans. Le nombre des palmiers plantés depuis 1856 s’élève à 150,000. Sous cet ombrage, d’autres arbres fruitiers pourront prospérer, et la culture hibernale de l’orge et des légumes d’Europe s’accroître et contribuer au bien-être des habitans. Sans être taxé d’exagération, on peut prévoir l’époque où une forêt de palmiers non interrompue s’étendra d’El-Kantara jusqu’à Ouargla, la dernière oasis dans le sud soumise à la domination française. Sous le règne des Turcs où des sultans indigènes, les oasis diminuaient en nombre et en étendue. Des guerres sans cesse renaissantes, des razzias continuelles désolaient le pays. L’agresseur abattait les palmiers, comblait les puits ou détournait les eaux. Ainsi en 1788 Salab, bey de Constantine, assiège Tougourt ; la ville résiste : alors les soldats se mettent à couper les palmiers en vue des assiégés. Le cheikh Ferhat, pour éviter la ruine complète du pays, se soumit à toutes les conditions. On voit encore au nord-est de la ville une immense plaine sablonneuse au milieu de laquelle s’élève le village presque ruiné d’El-Balouch ; jadis il était entouré de palmiers : depuis un siècle, le désert a repris possession du terrain. Dans la direction de Temaçin, quelques palmiers épars çà et là dans le sable sont les seuls survivans d’une immense forêt qui réunissait alors les deux villes, dont la longue rivalité a créé le désert entre elles. En 1844, la prise de Biskra amena la soumission de Tougourt, où régnait alors le cheikh Ben-Djellab. À sa mort, en 1854, un usurpateur, du nom de Slimah, se déclara l’ennemi de la France ; mais au mois de novembre de la même année le colonel Desvaux fut envoyé contre Sliman avec une petite colonne ; il le battit à Mgarin-Kedima, et entra à Tougourt le 2 décembre. Mgarin, le théâtre du combat, est une oasis détruite pendant les discordes civiles des Arabes. Sur un mamelon voisin, on aperçoit les ruines d’une mosquée de petites protubérances éparses dans la plaine marquent encore la place des palmiers abattus dans ces guerres déplorables. Depuis que ces contrées appartiennent à la France, la paix règne entre les peuplades. Grâce aux puits artésiens, le Berbère cultivateur et sédentaire n’est plus opprimé par l’Arabe nomade et paresseux. Celui-ci, par droit de conquête, reste propriétaire des oasis, le Berbère n’a droit qu’à la moitié du produit. Chaque automne, à l’époque de la récolte des dattes, le nomade arrive, plante ses tentes noires près de l’oasis et vient exiger sa part des récoltes, et sa moitié jadis était toujours plus grande que celle du pauvre métayer, aux dépens duquel il vivait souvent pendant une partie de l’hiver. Ces abus ont cessé. L’autorité française ne prétend pas déposséder le nomade ; mais les puits artésiens permettent de donner des terres au Berbère : celui-ci devient propriétaire