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son, vers le mois d’avril, sur tous les individus femelles, et insinuent dans la spathe un brin chargé de fleurs mâles dont les étamines fécondent sûrement les jeunes ovaires ; alors les fruits grossissent, deviennent charnus et forment des grappes appelées régimes, dont le poids atteint quelquefois de 10 à 20 kilogrammes. Pour multiplier les dattiers, on ne sème pas les noyaux des fruits, quoiqu’ils germent avec une extrême facilité, car on ne saurait ainsi deviner d’avance quel sera le sexe de l’arbre ; on préfère donc détacher du tronc des palmiers femelles un rejeton que l’on plante, et qui devient un arbre productif à partir de l’âge de huit ans.

Le dattier fournit en outre un fait ou liquide sucré qui par la fermentation ne tarde pas à prendre une saveur vineuse. Pour l’obtenir, j’ai vu employer à Tougourt le procédé suivant : on enlève circulairement la couronne de feuilles en né ménageant que les inférieures. La section a la forme d’un cône où l’on enfonce un roseau creux par lequel le liquide s’écoule dans un vase qui se déverse à son tour dans un autre suspendu aux feuilles de l’arbre. Celui-ci ne meurt pas toujours après cette mutilation, le bourgeon terminal se reproduit, et le palmier se rétablit peu à peu. L’opération peut être renouvelée jusqu’à trois fois.

La tête des palmiers s’élève à environ 15 mètres au-dessus du sol. L’air circule sous le vaste parasol formé par leurs cimes rapprochées, mais le soleil n’y pénètre pas. De l’ombre, de l’air et de l’eau, tels sont les trois élémens qui permettent les cultures les plus variées dans les jardins de palmiers, malgré les chaleurs brûlantes de l’été. On y remarque d’abord des arbres à fruits : le figuier, le grenadier, l’abricotier, quelquefois la vigne, l’olivier, plus rarement le pêcher, le poirier et l’oranger, Les légumes sont communément cultivés pendant l’hiver : ce sont les navets, les choux, les oignons, les carottes, les fèves et le piment[1], condiment indispensable de ces sauces arabes (merga) destinées à relever les forces digestives de l’estomac chez des peuples qui s’abstiennent de vin et de liqueurs alcooliques. On remarque encore des potirons, des courges, des pastèques, de petits carrés de luzerne qui fournissent jusqu’à huit coupes par an, le henné[2], qui sert à teindre en jaune les ongles des femmes arabes, et le tabac rustique[3], cultivé surtout dans le Souf. En hiver, on voit dans les clairières des1 oasis, ou alentour, des champs verdoyans : ce sont des orges et quelquefois des blés hâtifs qui sortent de terre. La culture du coton n’est encore qu’à l’état d’essai, mais grosse, d’avenir, dans

  1. Capsicum annuum
  2. Lawsonia inertnis.
  3. Nicotiana rustica.