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autre voyageur, Gregory, envoyé à sa recherche, découvrit, dix ans plus tard, des traces de son passage près de la rivière Victoria. Suivant l’usage de tous les explorateurs dans ces contrées, il avait marqué à son initiale les arbres près desquels il avait campé. Il est à croire que, s’étant engagé dans les solitudes du centre au printemps, il aura été trompé par l’apparence verdoyante des vallées et par l’abondance des ruisseaux ; puis l’été sera survenu et l’aura surpris dans les régions voisines du tropique, où tout est desséché et mort pendant la saison chaude. Peut-être aussi les tribus sauvages auront attaqué et massacré toute la troupe. Le sort de ces infortunés voyageurs est encore un mystère dont les expéditions à venir donneront sans doute le secret.

En somme, les colons de la région du nord-est rencontraient peu d’obstacles : ils étaient souvent aux prises avec les indigènes ; mais la présence de ceux-ci indiquait précisément un sol fertile et des eaux abondantes. Il n’en fut pas de même dans l’Australie méridionale. Lorsque la colonie d’Adélaïde fut fondée, on eût pu croire que les Vastes plaines de la Murray suffiraient longtemps à l’expansion des Européens ; mais il n’en fut rien. Les concessions de terrains furent faites par milliers d’hectares à la fois ; les bœufs et les moutons se multiplièrent à l’infini, et de station en station les squatters arrivèrent bientôt aux limites de la terre cultivable. À 300 ou 400 kilomètres d’Adélaïde, ils trouvèrent une contrée d’une sécheresse extrême. Du haut des montagnes de Flinders, qui bornent de ce côté les terrains fertiles, on apercevait un lac, le Torrens, qui s’étendait à perte de vue vers le nord. À la surface du sol s’étendait une mince couche de sel qui avait à distance l’apparence de la neige tombée depuis peu. Lorsque les voyageurs essayèrent de se hasarder de ce côté, ils s’enfoncèrent dans la vase et furent contraints de revenir sur leurs pas. En 1840, M. Eyre, que le gouvernement colonial avait envoyé dans cette région, voulut contourner le bassin du Torrens par l’est en suivant la chaîne du Flinders, qui paraissait en être la limite orientale. À droite, il ne vit qu’une plaine sablonneuse sans arbre ni verdure. Dans le lointain apparaissait une surface brillante qui était due à la réflexion de la lumière du soleil sur une nappe d’eau ou sur les couches éblouissantes de sel dont le sol reste couvert après l’évaporation. Des effets de mirage étonnans étaient cause que l’on ne pouvait apprécier les distances, ni reconnaître si le bassin du lac contenait véritablement de l’eau. Sur la gauche, quelques collines d’une faible élévation apparaissaient dans le lointain. Des dunes d’un sable rougeâtre, avec des mares d’eau salée à leurs pieds, interrompaient seules la monotonie du paysage. Toute la végétation se réduisait à un petit nombre d’arbres rabougris qui disparaissaient dans le voisinage du lac. Sur la montagne