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et du ministre. Ce n’est pas seulement une diversion qu’on a en vue pour obliger les Anglais à évacuer le continent ; on songe très sérieusement à la restauration des Stuarts. « Le sieur comte de Saxe est informé de la résolution que sa majesté a prise de ne plus reconnaître l’électeur de Hanovre pour roi d’Angleterre. » Tel est le premier mot du mémoire. Les Stuarts seront donc remis en possession du trône qu’ils ont deux fois perdu ; on l’espère, on y compte, et d’avance on prend toutes les mesures pour l’occupation du pays et la reconstitution de la royauté légitime. M. de Barailh, chef d’escadre des armées navales, est chargé d’embarquer les troupes et de les conduire dans la rivière de Londres. Rien ne manque au programme : une révolution (le mot y est) éclatera immédiatement après le débarquement. Grâce à cette révolution, le succès est infaillible. « Le débarquement étant fait, et tout se trouvant favorablement disposé dans le pays, le sieur comte de Saxe y entrera avec ses troupes comme en pays ami, les faisant vivre en bonne discipline sans rien exiger, se contentant de ce qui sera fourni volontairement par les sujets affectionnés au roi Jacques, et prenant en payant ce qui sera nécessaire pour la subsistance de ses troupes. » Comme la commission que nous venons de citer, le mémoire où se révèlent ces illusions étranges porte aussi la signature du roi et le contre-seing du ministre de la guerre (février 1744.)

Quelle fut l’issue de ces préparatifs ? Pendant la nuit du 22 février, Maurice, muni de ses pouvoirs, reçoit l’ordre de se rendre à Dunkerque, où va se faire l’embarquement du corps d’armée. Deux heures après, il monte à cheval, suit la route de Calais, et arrive à Dunkerque le 25. Charles-Edouard s’y trouvait déjà, divulguant ainsi par sa présence le secret si important qu’il avait promis de garder. Le jeune prince, plein d’admiration et de sympathie pour Maurice, le reçoit avec des transports de joie. L’embarquement commence le 1er mars ; déjà une partie des troupes est dans les navires, quand s’élève une tempête furieuse. Maurice, qui ne veut pas perdre une heure, car il sait que la flotte anglaise peut paraître d’un jour à l’autre, s’installe à bord du vaisseau-amiral et donne l’exemple à tous. L’élan est donné, un élan irrésistible, si l’on n’avait affaire qu’à des hommes ; mais comment lutter contre les élémens ? La tempête redouble, embarcations et navires sont tellement secoués par les vagues, que l’Océan, si l’on persiste, mettra en pièces cette seconde Armada. Plusieurs vaisseaux viennent d’être brisés sur la côte. Maurice descend à terre pour diriger les secours et sauver les naufragés. Le 4 mars, le ciel étant redevenu calme, on se remet joyeusement à l’œuvre ; nouvel orage, nouveaux désastres. « Décidément les vents ne sont pas jacobites, » écrit Maurice