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dirigeait au nord-ouest. Forcé par l’épuisement de ses provisions de revenir en arrière, sir Thomas Mitchell renvoya l’année suivante (1848) M. Kennedy, l’un de ses compagnons. Celui-ci reconnut bientôt que la Victoria se détournait en se dirigeant directement au sud, et l’on a su depuis que ce cours d’eau, originaire des montagnes du tropique, allait encore se jeter au sud, dans le Pacifique, comme le Lachlan et la Macquarie. C’était décidément la côte méridionale qui recevait le tribut de toutes les eaux tombées en pluie sur le continent. Ces cours d’eau disparaissent souvent, il est vrai, avant d’avoir atteint l’océan. La raison en est facile à comprendre, Lorsqu’en partant de la côte on a franchi les Alpes australiennes, la grande Chaîne de Séparation (great dividing range), on traverse quelques plateaux élevés d’une faible étendue, puis on redescend dans les plaines, qui n’ont guère qu’une élévation de 500 à 600 mètres au-dessus du niveau de la mer. Or les rivières qui y prennent leur source ayant à faire un parcours de 2,000 kilomètres au moins avant d’arriver à la mer, il est aisé de concevoir que la pente est insensible et que le courant est trop faible pour vaincre les obstacles qu’il rencontre. Sur un large continent, il faut des montagnes d’une taille proportionnée, comme l’Himalaya ouïes Cordillères, sinon l’arrosement des grandes plaines devient impossible ; les eaux, croupissent en marais, au lieu de porter dans le lit des rivières la vie et la fertilité.

Lorsque le résultat des voyages de sir Thomas Mitchell fut connu, les colons de la Nouvelle-Galles du sud comprirent qu’ils devaient renoncer à s’ouvrir une communication fluviale vers le nord. Ne pouvait-on au moins trouver une route terrestre courte et facile en passant à la base du triangle allongé que forme la péninsule d’York ? Leichhardt était déjà passé d’une mer à l’autre, de la côte orientale au golfe de Carpentarie, sans rencontrer d’obstacle. La colonisation remontait de plus en plus vers le nord, et ses progrès incessans raccourcissaient peu à peu la distance à franchir pour atteindre les bords du golfe. La péninsule d’York était une terre encore inconnue dont il fallait connaître les ressources et la configuration. M. Kennedy, que nous avons déjà vu accompagner sir Thomas Mitchell sur la Victoria, fut chargé de ces études. Parti de la baie de Rockingham, vers le 18e degré de latitude, il devait pénétrer dans la péninsule, sans s’écarter beaucoup du rivage, et rejoindre au cap York le bâtiment colonial Albion, qui allait l’y attendre. Cet infortuné