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grands lacs salés qui constituent la région du Torrens, ils auraient voulu passer outre, et ils envoyaient leurs explorateurs chercher des pâturages au-delà de cette contrée désolée. Ils désiraient aussi établir vers l’ouest une ligne de communications avec les établissemens de l’Australie occidentale. Quant à la province de Victoria, resserrée entre ses deux voisines et circonscrite dès le principe dans des limites bien définies, il ne lui restait qu’à compléter l’étude de son propre territoire. Dans tous ces projets, il n’y avait guère, il faut bien le remarquer, de préoccupation scientifique. On poursuivait un but utile, à savoir la découverte de riches pâturages. Les études météorologiques et ethnologiques, dont d’autres que les colons se fussent occupés, ne tenaient qu’un rang secondaire, et souvent même étaient totalement oubliées.

Dans la Nouvelle-Galles du sud, c’était sir Thomas Mitchell, déjà connu par la découverte de l’Australie heureuse, qui était chargé de diriger les recherches. Le premier voyage important fut entrepris, d’après ses instructions, par le docteur Leichhardt, qui partit de Sydney, en remontant vers le nord, en 1844, et, sans beaucoup s’éloigner de la côte, traversa toute la région qui s’est constituée récemment en colonie indépendante sous le nom de Terre de la Reine. Encouragé par la fertilité du sol et la facilité de la route à pénétrer toujours en avant, Leichhardt parvint sur les bords du golfe de Carpentarie, et ne s’arrêta qu’à Port-Essington, à la pointe la plus septentrionale du continent, après un parcours de 5,000 kilomètres à travers les contrées les plus propres à la culture. À mesure que l’on s’approchait de l’équateur, la végétation devenait plus belle ; les rivières conservaient des eaux abondantes, et nulle part n’apparaissaient les plaines nues, stériles et desséchées, qui avaient découragé les colons sous une latitude plus tempérée. Ce voyage ne fournit aucun renseignement nouveau sur l’aspect des régions central es,, ni sur la possibilité d’une communication fluviale entre les hauts plateaux et le golfe de Carpentarie. Aussi, l’année suivante, sir Thomas Mitchell se mit lui-même en route, en se dirigeant franchement vers l’ouest. Il suffira d’indiquer ici les résultats essentiels de son exploration, dont une relation analysée dans ce recueil a fait connaître les périlleux incidens[1]. Après avoir traversé, sur le versant occidental des-Montagnes-Bleues, de splendides vallées, il parvint sur les bords d’une grande rivière, la Victoria[2], qui se

  1. Voyez la Revue du 15 novembre 1849.
  2. Il semble que chacun des explorateurs de l’Australie (ils sont nombreux) ait voulu mettre les plus importantes de ses découvertes sous l’invocation de la souveraine actuelle de l’Angleterre. En outre de l’immense province dont Melbourne est la capitale et de la rivière dont il s’agit ici, le nom de Victoria se retrouve un peu partout sur le continent. C’est encore le nom d’un fleuve qui a été découvert par le capitaine Stokes dans son voyage hydrographique de circumnavigation et qui se déverse sur la côte septentrionale, dans la mer de Timor. Tout en rendant justice aux sentimens de patriotisme sincère qui s’incarnent dans ces dénominations fréquentes de Victoria, d’Albert, de Prince de Galles, on conviendra que les études géographiques y perdent en variété en même-temps qu’en précision.