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à tour pratiqué les affaires, qui ont passé les uns et les autres par l’opposition et par le pouvoir. Au-dessus d’eux est placé le prince réputé à bon droit le plus sagace et le plus sensé de l’Europe. Toutes les pièces de la machine constitutionnelle sont donc bonnes en Belgique, et pourtant, depuis plusieurs mois, la machine est arrêtée par la neutralisation des deux forces qui doivent lui donner le mouvement. Les partis se balancent à peu près également dans la chambre élective. Dans une telle situation, les devoirs du parti du gouvernement et du parti de l’opposition sont cependant bien tracés. De deux choses l’une, ou l’opposition est décidée à prendre le pouvoir, ou elle ne le veut pas. Tant qu’elle ne veut pas du pouvoir, elle doit se conduire de façon à laisser au gouvernement une majorité suffisante pour expédier les affaires courantes du pays. Quand elle est résolue à prendre elle-même la direction des affaires, elle doit être prête à adopter les mesures nécessaires pour arriver à la constitution d’une majorité parlementaire. Cette loi du gouvernement représentatif a été méconnue, nous le disons à regret, par le parti catholique belge. Ce parti a commis la contradiction de ne point vouloir prendre le pouvoir et d’en rendre l’exercice impossible aux mains du cabinet libéral. Au rôle d’une opposition gouvernementale, qui devait être le sien, il a préféré le rôle d’une opposition factieuse. Il a mis le ministère en minorité de quelques voix sur une question de confiance au moyen d’une coalition. Les ministres libéraux ont donné leur démission ; les catholiques, après des négociations qui ont duré plusieurs mois, ont refusé le ministère. Ils ne voulaient pas se charger eux-mêmes de dissoudre la chambre. Ils conseillaient au roi la formation d’un cabinet d’affaires, sans couleur politique, et aucun ministère semblable n’a pu être formé. Force a donc été aux ministres libéraux de reprendre les portefeuilles ; mais ils ont rencontré dans le partage de la chambre les embarras devant lesquels ils s’étaient une première fois retirés. N’ayant guère qu’une majorité de deux ou trois voix, la maladie d’un de leurs partisans, l’absence forcée d’un autre, les mettaient en minorité. Un petit expédient s’offrait à eux pour sortir de cette difficulté. Le nombre des représentans en Belgique étant proportionné à la population, on augmente ou on diminue, suivant le mouvement de population constaté. par les recensemens, le nombre des collèges électoraux. Conformément à. ce principe, il y avait lieu de créer en ce moment trois collèges, et cela dans des districts libéraux. Les catholiques, effrayés de voir s’accroître de trois voix dans la chambre le parti libéral, ont déclaré que la création des collèges était inconstitutionnelle, et ont pris le parti en masse de ne plus siéger à la chambre. Leur sécession a mis pendant plusieurs jours la chambre des représentans dans l’impossibilité d’arriver au nombre des voix exigé par la constitution pour la validité d’un vote législatif. Il s’en fallait d’une voix pour que ce nombre fût atteint, et la maladie ou la mort d’un membre empêchait la chambre de siéger. Voilà l’espièglerie puérile dont le parti catholique a donné le pitoyable spectacle à la Belgique, et,