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un oui ou par un non. La réponse de mon noble ami à cette proposition ne contenait pas, il est vrai, les phrases fleuries et les paroles mielleuses que l’on a trouvées dans d’autres répliques, mais dont personne ne connaît mieux que l’empereur la valeur véritable. Mon noble ami, convaincu qu’un congrès n’amènerait point la Russie à abandonner la Pologne, l’Autriche la Vénétie, la France Rome, l’Angleterre Gibraltar, qu’on ne déciderait jamais un congrès à déclarer que la loi internationale de l’Europe est un chiffon usé et déchiré, que la cause de la paix entre les nations aurait plus à perdre qu’à gagner dans un tel congrès, a déclaré son opinion franchement et honnêtement, et je crois qu’à l’heure qu’il est il n’est pas en France un seul homme raisonnable qui ne reconnaisse que notre conduite en cette circonstance a été sage et amicale. » M. Disraeli était d’autant plus mal venu à chercher une arme dans ce souvenir, que lui-même, avec cette insouciance d’un homme d’esprit qui risque une imprudence pour lancer un mot expressif, avait dit, il y a plusieurs mois, du congrès, qu’il n’avait été qu’une adroite manœuvre. — L’orateur qui a puisé dans le blue-book les plus vigoureux moyens d’attaque contre la thèse de l’opposition a été le sous-secrétaire d’état des affaires étrangères, M. Layard. Le second de lord Russell avait à cœur de prouver que, dans les négociations relatives au Danemark, le cabinet anglais avait constamment marché d’accord avec le gouvernement français, et que tous ces avertissemens adressés à l’Allemagne et dénoncés par l’opposition comme d’impolitiques menaces avaient été soumis d’avance à notre ministre et soutenus ou approuvés par lui. Lord Clarendon, sans recourir comme M. Layard à la preuve par citations, n’a eu besoin que de l’autorité de sa parole pour établir le même fait. « Ce serait une injustice, a-t-il dit, de prétendre que la France s’est montrée moins active que nous en faveur du Danemark. » Il s’agit ici, il est vrai, de la simple activité diplomatique. Quant à la coopération qui aurait pu aboutir à la guerre, lord Clarendon nous a loués de la droiture avec laquelle nous l’avons déclinée dès le principe. Est-ce à dire que l’Angleterre, même après la déclaration de réserve que nous lui avions signifiée en janvier, n’ait pas conservé jusqu’au dernier moment l’espoir de nous faire sortir de l’abstention ? Nous ne l’affirmerions pas, et les débats du parlement n’ont répandu sur ce point aucune lumière. Lord Clarendon aurait pu mieux que personne renseigner l’opinion à ce sujet : on se souvient qu’à son entrée au ministère il vint prendre langue à Paris. On s’expliqua sans doute avec lui, et il n’est pas possible qu’un bon entendeur de cette qualité n’ait rien appris dans son voyage. Lord Russell, dans son exposé des travaux de la conférence, avait indiqué que la France, il le savait de fraîche date, ne serait sortie de l’inaction qu’à une condition : c’est qu’elle eût pu obtenir une compensation dans la guerre. Lord Clarendon a, lui aussi, effleuré ce point délicat, a Le gouvernement français, a-t-il dit, a compris que, dans les dispositions pacifiques où se trouve heureusement