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s’abstiendra pour le moment de prendre aucun engagement au sujet du Danemark. Si plus tard l’équilibre était sérieusement menacé, l’empereur pourrait être amené à prendre d’autres mesures dans l’intérêt de la France et de l’Europe. Pour le moment, l’empereur se réserve une entière liberté d’action. » Après des explications aussi formelles, le gouvernement anglais, qui aurait rencontré au sein de son parlement de très grandes difficultés, s’il eût voulu faire la guerre à l’Allemagne, même avec le concours de la France, qui en tout cas n’a jamais eu la pensée de tenter seul une entreprise si hardie, a montré une étrange obstination en soutenant si longtemps et d’une façon qu’il devait croire lui-même si peu efficace la cause du Danemark. M. Disraeli et l’opposition ont eu beau jeu à lui reprocher d’avoir tant tardé à imiter l’abstention de la France.

Il est vrai que les ministres anglais ont puisé dans les documens diplomatiques des citations qui modifient un peu le jour sous lequel l’opposition a voulu présenter l’attitude du gouvernement français. À la dépêche de lord Wodehouse qui parlait des instructions du général Fleury, M. Gladstone opposait un autre document. Lord Russell, en recevant la dépêche de lord Wodehouse, demanda à Paris des explications sur les instructions du général. M. Drouyn de Lhuys affirma positivement à lord Cowley que « le général Fleury n’avait pu faire une déclaration qui ne laissât point à l’empereur son entière liberté d’action. » Les ministres anglais ont énergiquement nié que le refus du congrès ait porté le gouvernement français à une politique de dépit dans la question danoise. « Aucun homme d’une intelligence commune, a dit le vieux lord Palmerston, n’a jamais pu s’imaginer qu’un congrès convoqué dans les circonstances où on se trouvait alors eût pu obtenir le moindre succès. Quand on prétend que la conduite de la France dans la question du Danemark a été affectée par notre refus du congrès, il est de notre devoir de dire qu’une telle supposition est outrageante pour une grande puissance qui a le souci de son honneur et de sa dignité. » Lord Clarendon, dans le sage et conciliant discours qu’il a prononcé à la chambre des lords, s’est expliqué aussi sur le congrès en excellens termes. « Je crois, a-t-il dit, que dans cette affaire du congrès nous avons rendu à la France un bon service, bien que notre refus ait pu causer d’abord quelque irritation. Je ne doute pas un instant que l’empereur n’ait sincèrement exprimé sa pensée lorsqu’il a dit qu’un congrès lui paraissait nécessaire, et que la paix en serait le résultat ; mais il n’a point assez vu les obstacles qui s’opposent au remaniement de l’Europe et l’impossibilité de cette tâche. C’était une illusion de croire qu’on se soumettrait sans résistance aux décisions du congrès, et qu’on ne ferait pas éclater les guerres qu’on invitait cette assemblée à prévenir. Les difficultés avaient été accrues encore par la façon dont la proposition avait été portée à l’Europe, sans avertissement préalable, sans communication antérieure avec les puissances soudainement sommées de répondre par