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plus sérieux. Comme on a observé les lieux et les momens précis de l’apparition et de l’extinction du bolide, il a été possible de calculer l’espace qu’il parcourait pendant chaque seconde : on a trouvé 20,000 mètres ou cinq lieues. Que chacun veuille bien se représenter une distance de cinq lieues entre deux localités qui lui soient familières, la distance de Paris à Versailles par exemple, et qu’il se figure être transporté de tout cet espace pendant la durée d’un battement du cœur ; il appréciera ainsi la vitesse de notre bolide, et reconnaîtra qu’elle est hors de proportion avec celles qu’il nous est donné de produire ou d’observer sur notre sol. Si nous voulons en trouver qui lui soient comparables, ce n’est pas sur la terre, c’est dans le ciel qu’il faut aller les chercher. Là, tous les astres se déplacent avec une vélocité inouïe ; le globe terrestre lui-même, qui fait le tour du soleil pendant le cours d’une année sidérale, est entraîné à raison de 30 kilomètres par seconde. La météorite d’Orgueil marchait avec une rapidité comparable. À ce signe seul, il nous est déjà possible de présumer qu’elle nous venait des espaces planétaires, et qu’en effet c’était un astre véritable dont nous allons essayer de tracer l’histoire ; mais, comme ce que nous avons à dire est le résultat d’études antérieures, communes à tous les astéroïdes de la même nature, il convient de sortir de l’exemple particulier que nous avions choisi et d’élever le sujet en le généralisant.

On rencontre en beaucoup d’endroits des masses malléables presque entièrement composées de fer qui contrastent avec la nature de toutes les roches voisines et qui sont identiques entre elles. Partout où on les rencontre, une tradition conservée par les habitans nous apprend qu’elles sont tombées du ciel. L’une d’elles, qui est fort célèbre et dont le Muséum de Paris possède un fragment, a été trouvée par Pallas, en Sibérie. La plus grosse paraît être celle qui se voit à la source du Fleuve-Jaune. Elle a 15 mètres de hauteur ; les Mongols, qui l’appellent le Rocher du Nord, racontent qu’elle est tombée à la suite d’un météore de feu. Les plus nombreuses ont été trouvées au Chili, dans le désert d’Atacama, où elles forment deux amas distincts dans des espaces fort resserrés, gisant à terre, à demi enfoncées comme au moment où elles sont tombées, et tellement abondantes qu’on les apportait autrefois au port de Cobija, et qu’on les exploitait pour ferrer les mules. Outre le fer, ces masses contiennent du nickel ; elles sont assez malléables pour qu’on les puisse forger aisément, et il n’est pas douteux que les habitans de l’ancien monde les aient employées à leurs besoins avec la même facilité que l’or. C’est ce qui en explique à la fois la rareté dans nos contrées et l’abondance dans les déserts de l’Amérique. Le docteur Wollaston a démontré cette conjecture tout récemment en analysant des couteaux dont se servaient les Esquimaux de la baie de Baffin, et, comme ils contenaient du nickel, il en a judicieusement conclu qu’ils provenaient de fers tombés du ciel. Il est en effet probable que telle est l’origine commune de ces diverses masses ; cependant on n’en connaît qu’une seule chute authentique qui eut lieu