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avaient à la fois, comme à Paris, suivi des yeux un même globe de feu gros comme la moitié de la lune. Il laissait derrière lui une traînée lumineuse qui peu à peu se fondit en une trace blanche, semblable à un nuage allongé.

À toutes ces stations, le bolide se montre encore vers le sud ; c’est donc plus bas qu’il faut aller le chercher. Si, pour n’oublier aucun intermédiaire, nous recueillons en passant les récits de Napoléon-Vendée, de Poitiers, de Saint-Amans, etc., il devient évident que nous approchons du phénomène, car d’une part la grandeur du météore est plus considérable, et d’un autre côté il semble plus élevé dans le ciel : cela s’explique par la rotondité de la terre, et se remarque toutes les fois qu’on approche peu à peu d’une montagne ou d’une côte éloignée. Continuant donc de marcher vers le sud, nous arrivons sur la ligne qui passe à Saintes, à Angoulême et à Tulle ; là nous apprenons une circonstance nouvelle et caractéristique : le globe, qui parait encore plus élevé au-dessus de l’horizon, a éclaté tout à coup en projetant des étincelles dans toutes les directions, et cette explosion, comme celle d’une fusée d’artifice, a terminé l’apparition. Pour que rien ne manque à la ressemblance, un nuage blanc, immobile, arrondi et longtemps persistant, est resté au-dessus de l’espace où la dislocation finale s’était opérée.

Nous arrivons enfin au siège même du phénomène, à une ligne à peu près droite qui part de Nérac et se dirige, un peu au sud d’Agen et de Montauban, vers les villages de Nohic et d’Orgueil. C’est par le zénith de cette ligne que le météore a passé. Les habitans le voyaient au-dessus de leur tête, plus gros que la lune. Il paraissait animé de mouvemens d’oscillation ou de rotation ; il lançait derrière lui des étincelles très vives et comme un jet de vapeurs blanches semblable à la fumée qui dans nos foyers s’échappe en sifflant des tisons surchauffés. Quand l’explosion finale eut lieu, une immense et splendide gerbe de feu projeta des fragmens dans tous les sens ; un nuage se forma, et tout disparut, au dire de la plupart des témoins. Deux d’entre eux cependant affirment avoir vu le météore, dépouillé de son éclat, continuer sa route comme un globe rouge sombre qui acheva de s’éteindre en s’éloignant. Après un intervalle de temps variable suivant la position occupée par les observateurs, et qui, noté avec soin par chacun d’eux, s’étend de quatre-vingts secondes à cinq minutes, on entendit un bruit sourd, mais très intense, comparable à une décharge d’artillerie ou au roulement du tonnerre. Ce n’était point une détonation unique comme celle qui retentit après l’explosion d’une fusée, c’était un bruit longtemps continué, comme s’il avait été produit en chacun des points où le bolide s’est successivement trouvé, et qu’il fût arrivé à l’oreille après des temps différens à cause des distances inégales qu’il avait à parcourir. Cette circonstance mérite d’être remarquée.

La division du météore était à peine terminée, et le bruit qui en est la conséquence cessait de retentir, quand survint un dernier phénomène qu’il