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La population de la Grèce a presque doublé depuis trente ans sans aucune immigration étrangère. En 1833, elle était de 712,000 habitans ; elle monte actuellement à 1,140,000[1]. La moyenne annuelle de l’augmentation pendant cette période trentenaire a été de 2.16 pour 100, tandis qu’elle était dans le même espace de temps en Prusse de 1.57, en Russie de 1.05, en Italie de 1.00, en Angleterre de 0.97, en France de 0.56, en Autriche de 0.41 ; mais la dépopulation avait été telle sous le gouvernement ottoman et pendant la guerre de l’indépendance, que, malgré cet accroissement rapide, on ne compte pas encore plus de 22 habitans par kilomètre carré. Il n’y a que la Russie et la Turquie où la population soit plus clair-semée. La marine occupe 24,000 hommes ; l’armée, tenue sur un pied beaucoup trop considérable, enlève constamment 10,000 bras robustes ; les fonctionnaires publics de, tout ordre et les hommes qui s’adonnent aux professions libérales sont au nombre de 14,000 ; restent donc seulement 248,000 hommes faits, en état de travailler pour l’industrie et l’agriculture. Aussi la main-d’œuvre est-elle extrêmement élevée : le salaire moyen d’une journée d’ouvrier est de 2 fr. 50 c ; en certains temps et en certains endroits, il s’élève jusqu’à 4 et même 5 francs. Cette situation réclame des mesures sérieuses, et néanmoins il est assez difficile d’y porter remède, car d’un côté la population grecque répugne à voir s’établir au milieu d’elle des colons d’une autre race et d’une autre religion, et de l’autre les hommes politiques d’Athènes craignent, en encourageant l’immigration des Grecs de la Crète, de la Thessalie, de la Macédoine, de l’Épire, d’affaiblir l’élément hellénique dans les provinces que la Grèce a gardé l’espoir de s’annexer un jour ; mais il est certaines parties de l’Orient où la population grecque agricole est nombreuse, et qui pourtant n’appartiendront jamais à l’état hellénique, lors même que ses visées ambitieuses parviendraient à se réaliser dans leur plus grande étendue. Telles sont l’Asie-Mineure et l’île de Chypre. C’est de là que le gouvernement du nouveau roi des Hellènes devrait provoquer une immigration grecque qui diminuât la pénurie des bras dans son royaume ; seulement il serait nécessaire d’amener le parlement à retirer l’absurde loi des autochthones hétérochthones, qui traite comme des étrangers les Grecs nés hors du territoire actuel, pour y substituer les dispositions que le Piémont avait prises après 1849 à l’égard des individus originaires d’autres parties de l’Italie.

Quant à la rareté du numéraire, elle est extrême. Le capital monétaire circulant en Grèce a plus que quintuplé depuis l’établissement

  1. Les Iles-Ioniennes, comme de raison, ne sont pas comprises dans ce chiffre ; avec le contingent nouveau qu’elles apportent, la population totale de la Grèce sera de 1,390,000 habitans.