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était de laisser indéfiniment le roi désarmé et amoindri en face d’une assemblée garantie contre la dissolution, et qui, n’ayant pas la possibilité de remplir son mandat constituant, tendait, par son intervention journalière dans des questions qui n’étaient pas de sa compétence, à restreindre la prérogative royale en reprenant la plus grande part de la souveraineté qu’elle avait eue auparavant tout entière entre ses mains.

Cette fâcheuse situation s’est prolongée sans changement notable pendant six mois. On aurait pu écarter quelques inconvéniens, éviter quelques dangers, en prorogeant la constituante ; mais M. Boulgaris se refusait à prendre cette mesure, et M. de Sponneck eut le tort de ne pas oser en assumer personnellement la responsabilité. Le parti révolutionnaire mit les circonstances à profit pour reconquérir le terrain qu’il avait perdu depuis la chute du gouvernement provisoire ; maître du pouvoir, il usa de ses ressources pour désorganiser les forces sociales qui, l’année précédente, avaient servi de base à la réaction contre sa suprématie. Dans toutes les branches de l’administration publique où l’ordre avait commencé à se rétablir depuis les journées de juin sous la direction de ministres conservateurs, les employés capables maintenus après la révolution ou réintégrés depuis lors furent remplacés systématiquement par des agitateurs de carrefours ; la garde nationale cessa d’être convoquée, on lui enleva tous les postes de la capitale pour les donner aux soldats des corps gangrenés par l’esprit d’insubordination ; elle réclamait la nomination d’un commandant en chef, on ne tint pas compte de ses demandes ; en un mot, on fit ce qu’on put pour annuler cette institution, qui avait rendu de si grands services. En même temps les représentans les plus exaltés des idées démagogiques, les Petzalis, les Ialémos, les Déligeorgis, les Calos, apportaient de nouveau à la tribune de l’assemblée leurs déclamations incendiaires. Bientôt l’émeute releva la tête dans les rues d’Athènes ; un jour même on la vit arriver jusqu’au palais, avec la connivence du ministère, pour exiger du souverain le renvoi du maréchal de la cour et de son secrétaire particulier.

De même que dans l’année d’interrègne, l’état de l’armée était le thermomètre de la situation générale. Dans les premiers temps de l’arrivée du roi, il y avait eu des tendances sensibles de retour à la discipline ; M. Boulgaris prit d’abord pour ministre de la guerre un officier de mérite, M. Smolensky, d’origine hongroise, qui crut naïvement que le chef du cabinet voulait ramener l’ordre dans l’armée, après avoir contribué plus que tout autre à la faire tomber dans une entière décomposition. M. Smolensky prépara donc un travail de réorganisation qui, faisant rentrer chacun dans l’exercice de son