Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 52.djvu/418

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

calligraphes pour les consacrer au culte public de sa nouvelle capitale. Il ne fallut pas moins de deux chariots pour transporter à Byzance le monceau de manuscrits que cette opération supposait. Eh bien ! malgré toutes les peines qu’il se donne, Eusèbe est encore très peu éclairé sur la liste des livres qui doivent définitivement et officiellement constituer le canon. Il appelle homologoumènes les livres reconnus partout, anti-légomènes ceux dont l’autorité est contestée par places. Parmi ces derniers, il range l’épître de Jacques, celle de Jude, la seconde de Pierre, les deux dernières de Jean. Il n’ose trop se décider sur l’Apocalypse ; il se montre également hésitant dans son jugement sur l’épître aux Hébreux, qu’avec l’Orient grec il croit de saint Paul, mais qu’il sait rejetée par Rome et l’Occident. D’autre part, il exclut formellement ces livres qui faisaient encore autorité pour les pères du IIIe siècle, les épîtres de Clément et de Barnabas, l’Apocalypse de Pierre, etc. Évidemment la popularité de ces écrits baissait.

Cependant Eusèbe, malgré son grand savoir ou peut-être à cause de ce savoir, avait un penchant trop peu dissimulé vers l’hérésie arienne pour que son autorité personnelle prévalût dans l’église orthodoxe. Ce fut l’illustre adversaire d’Arius, l’évêque Athanase d’Alexandrie, qui proclama le premier ce qu’on peut décidément appeler le canon actuel, et c’est à partir de ce moment que le mot canon passe dans la langue ecclésiastique avec le sens précis que nous lui avons donné, mais qui lui manquait jusqu’alors. En 365, dans le calendrier ecclésiastique réglé d’après un vieil usage par les patriarches d’Alexandrie, il ose, selon son expression, énumérer les livres qui doivent exclusivement composer les saintes Écritures des chrétiens, et chez lui, pour la première fois, nous trouvons indiqués les vingt-sept livres de notre Nouveau Testament avec l’épître aux Hébreux, attribuée à saint Paul, et l’Apocalypse réintégrée dans tous ses droits et honneurs. Toutefois un contemporain d’Athanase, d’un nom presque aussi célèbre, Grégoire de Nazianze, refuse de comprendre l’Apocalypse dans son catalogue. Il en est ainsi de Cyrille de Jérusalem (mort en 386), et même Théodore de Mopsueste (mort en 428), esprit indépendant et mal noté dans les fastes de l’orthodoxie, rejette l’épître de Jacques et d’autres épîtres catholiques. Jean Chrysostome, l’illustre orateur, s’en tient au vieux et court canon de la Peshito. Enfin le concile de Laodicée de 363, si la liste qui fait partie de son soixantième décret est authentique, exclut encore l’Apocalypse. Athanase n’a donc pas réussi à établir l’uniformité en Orient.

Il sera plus heureux dans l’Occident, toujours plus disposé à bien accueillir les mesures qui tendent à faire régner l’unité ecclésiastique.