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par excellence. Bientôt et surtout lorsque l’espérance d’un messie eut pris des traits arrêtés, on y adjoignit les discours des prophètes et les livres historiques écrits dans le même esprit, tels que Josué, les Juges, Samuel, les Rois. Enfin la collection des hymnes populaires ou des Psaumes fit à son tour partie de cet ensemble, et, tant à cause de l’origine divine attribuée à la loi elle-même et aux oracles des prophètes que par la vénération qu’inspiraient ces augustes archives de la vieille foi nationale, un caractère céleste, une inspiration d’ordre surnaturel furent attribués à ces livres consacrés : « la Loi, les Prophètes et les Psaumes » (c’est ainsi que s’appelait la collection des écritures au temps de Jésus-Christ, et plus souvent encore « la Loi et les Prophètes » simplement). Par une filiation d’idées ou plutôt de sentimens bien commune, le texte visible, la lettre elle-même dut promptement participer aux mêmes prérogatives et devint parole de bien au sens strict. De cette idée sortit l’exégèse rabbinique, science fondée, non sur l’histoire et la critique, mais sur la supposition que cette parole miraculeuse, cette écriture surnaturelle était pleine de mystères, de prédictions, de types, d’allégories, que la perspicacité des scribes était appelée à démêler. Dieu sait ce qu’ils en tirèrent.

À ce fait fondamental s’en joignent d’autres qui eurent par la suite une grande importance et contribuèrent à rehausser la valeur nouvelle du livre en matière de religion. Le peuple juif du temps de Jésus-Christ ne comprenait pas mieux l’idiome classique des anciens prophètes qu’un Français illettré d’aujourd’hui ne comprendrait le langage du sire de Joinville ; de là les targums ou traductions araméennes inclinant toujours plus à la paraphrase, et qui, données d’abord de vive voix, furent à leur tour fixées par l’écriture. Le besoin des traductions était surtout impérieux chez les Juifs d’Égypte et d’Occident, qui ne parlaient plus que le grec. De là cette fameuse version des Septante, sur l’origine miraculeuse de laquelle la vanité juive, servie par la crédulité chrétienne, fit courir tant de légendes. Ce fut cette version grecque que le christianisme primitif trouva surtout en usage dans les contrées païennes, et la seule, à vrai dire, que l’immense majorité des chrétiens connut pendant longtemps.

On se demandera si la liste des écrits sacrés hébreux, autrement dit le canon de l’Ancien Testament, était officiellement close et arrêtée au temps des apôtres. Rien n’est plus douteux. Ce qui est certain, c’est que tous les livres composant aujourd’hui l’Ancien Testament hébreu existaient dès lors, et que le Pentateuque, les Prophètes, les Psaumes sont très souvent cités comme « écritures sacrées » par les auteurs du Nouveau Testament ; mais il ne l’est pas moins que