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guide principal[1] dans l’exposé qu’on essaie ici des origines et de l’histoire du canon du Nouveau Testament. En réalité, toute la question biblique est engagée dans ce sujet restreint, mais fondamental. Nous n’avons pas à dogmatiser sur ce point plus que le savant auteur alsacien ; il y a là une question à déterminer, une histoire à raconter et des résultats à indiquer. Commençons par la question.


I

Le mot canon est un mot grec qui signifia primitivement canne à mesurer, puis règle grammaticale, mathématique, morale. L’ancienne critique alexandrine s’en servit pour désigner la liste des auteurs dont l’exemple faisait loi en matière de langage, ou, selon l’expression moderne, des auteurs classiques. C’est avec une acception semblable qu’il s’introduisit dans la langue ecclésiastique. Les conciles promulguent des canons, c’est-à-dire des décrets ou règles à suivre en matière de discipline ou de doctrine, et, spécialement appliqué à la Bible, ce mot désigne la liste arrêtée des livres qui doivent la composer à l’exclusion de tout autre écrit, et servir de règle souveraine à la croyance ainsi qu’à la vie des fidèles. Donc les livres compris dans le canon sont considérés comme jouissant d’une valeur, d’une autorité sui generis, qui les distingue d’une manière tranchée de tout autre livre religieux ou moral, quelque estimable qu’il soit en lui-même.

On sait que le canon du Nouveau Testament, tel qu’il est en vigueur dans les églises chrétiennes, se compose de vingt-sept livres fort inégaux d’étendue et d’importance. Ce sont d’abord cinq livres historiques, soit les quatre Évangiles de Matthieu, Marc, Luc et Jean, et les Actes des apôtres. C’est ensuite une collection épistolaire qui compte vingt et une lettres, lesquelles se partagent en deux groupes fort distincts : — d’une part, une série de quatorze épîtres attribuées à Paul ; — de l’autre, sept épîtres dites catholiques, dont une de Jacques, deux de Pierre, trois de Jean et une de Jude. Un livre prophétique, l’Apocalypse, clôt le canon. Il est bien entendu que l’on constate simplement ici l’état officiel des choses sans entrer dans aucune discussion sur la valeur positive des titres et des origines que la tradition généralement reçue assigne à chacun de ces livres. La même tradition générale nous présente ce canon comme

  1. Parmi les ouvrages que l’on peut consulter également avec fruit, pitons l’œuvre posthume du docteur C.-A. Crodner, Geschichte des Neutestamentlichen Kanon, éditée en 1860 par les soins de M. le professeur G. Volkmar, de Zurich, et le savant livre de M. le professeur Nicolas, Études critiques sur la Bible, Nouveau Testament, Paris 1864, surtout depuis la page 291.