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qu’elle eût volontiers partagé sa fortune, mais qu’elle ne se souciait pas d’aller en pays étranger, et qu’elle avait trouvé moyen de tout concilier en avertissant la police, la loi lui assurant, comme prix de sa délation, la moitié des objets confisqués. Il va sans dire que le matelot partit cette fois pour les présides.

La contrebande est d’autant moins facile que l’administration prend les précautions les plus minutieuses à l’égard des nègres chargés de l’extraction. L’opération se fait sous des hangars dans lesquels sont- disposés plusieurs rangs de petits canaux légèrement inclinés et évasés vers le bas. Une rigole amène l’eau à la partie supérieure ; c’est là que se tient le noir. Des sièges élevés sont occupés par les feitors. Chacun d’eux a sous sa surveillance une escouade de huit esclaves. Vient-on à leur parler, ils doivent répondre sans détourner la tête. Une sébile où l’on dépose les diamans, un pot rempli de tabac en poudre, complètent l’ameublement. Ce pot de tabac est loin d’être, comme on pourrait le croire, un objet de luxe. La monotonie du travail, jointe à la chaleur du climat et à l’action débilitante de l’eau, porte facilement au sommeil. Une pincée prise à propos réagit contre ces influences soporifiques et stimule l’activité des nègres et la vigilance des feitors. Dès que le signal appelle les travailleurs à l’ouvrage, chaque esclave se rend au canal qui lui est assigné, portant un panier de cascalhao (terre diamantifère). Il jette le cascalhao dans le canal, et ouvre la rigole à l’aide d’un tampon. En même temps ses bras remuent fortement tout ce mélange d’argile, de sable et de cailloux ; l’eau dissout les parties terreuses et les entraîne avec elle. Trouble au commencement de l’opération, elle s’éclaircit peu à peu, et finit par reprendre sa transparence. Il ne reste plus alors que le gravier au fond du canal. C’est à partir de ce moment que l’extraction proprement dite commence. Le noir arrête l’eau, rejette les gros cailloux, et cherche minutieusement dans le sable les pierres précieuses qui peuvent s’y trouver. Dès qu’il en rencontre une, il bat des mains pour annoncer sa découverte, et la porte au feitor. Celui-ci l’inscrit sur son registre après l’avoir pesée, et la dépose dans la sébile. Si la pierre trouvée atteint le poids d’un octave (17 karats 1/2), l’esclave est mis solennellement en liberté et reçoit un vêtement neuf. Ces cas sont rares ; ils ne se présentent guère plus de deux ou trois fois dans l’année. Diverses primes sont affectées aux diamans d’un poids inférieur : la dernière de toutes consiste en une simple prise de tabac.

Afin d’éviter autant que possible les tricheries des noirs, on ne leur permet de porter qu’une toile de coton autour des reins, sans poche et sans doublures ; quelques-uns même vont dans la saison chaude entièrement nus. De temps en temps le feitor les fait changer de canal et battre des mains. Malgré ce luxe de précautions, il