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cailloux translucides qui leur eussent fait une fortune, on vit un nouveau courant d’émigration se porter en hâte vers la terre promise. Les mineurs eux-mêmes désertaient les terrains aurifères pour aller « cueillir du brillant. » Des villes ne tardèrent pas à s’élever au milieu des déserts et sur des montagnes jusque-là jugées inaccessibles. Tout à coup un ordre de Lisbonne vint calmer cette effervescence. Le roi, voyant là une source inépuisable de richesses, avait déclaré les diamans propriété de la couronne ; puis, craignant les effets de la fraude dans un pays si difficile à garder et l’avilissement de prix qui devait résulter de l’accumulation des pierres sur les marchés d’Europe, il résolut de limiter l’exploitation. Une compagnie en reçut le privilège exclusif, et s’engagea à n’employer à la recherche que huit cents nègres. Le roi recevait une piastre de capitation par tête d’esclave et par journée de travail ; en outre tous les diamans trouvés dans l’année devaient être expédiés en Portugal, afin que le prince pût choisir ceux qui étaient à sa convenance, moyennant une légère indemnité prélevée sur le prix de capitation. Il va sans dire que les règlemens les plus sévères interdisaient toute sorte de contrebande. Le district du Serro-do-Frio, isolé de la province, fut placé sous la direction immédiate d’un intendant qui ne relevait que de Lisbonne. Au dire d’Anson, officier de la marine britannique, qui visita le Brésil vers le milieu du XVIIIe siècle, le district fut presque dépeuplé à la suite de ces ordonnances, et plus de six mille habitans se virent forcés d’émigrer dans une autre partie de la province pour ne pas être exposés à la tentation de se livrer à la recherche des pierres précieuses. Du reste, des peines terribles atteignaient ceux qui étaient convaincus de ce crime. Si le délinquant était pauvre, il payait de sa vie ; s’il avait de la fortune, on confisquait ses biens, et il allait passer quelques années aux présides, sur la côte d’Afrique, où il succombait très souvent à l’ennui et aux rigueurs du climat.

Telle était pourtant la fascination que ces pierres exerçaient sur les esprits, que, malgré la crainte d’une mort certaine, malgré les dangers et les fatigues inouïes qu’il fallait affronter pour franchir un cercle de montagnes inaccessibles, il se trouvait des hommes assez hardis pour entreprendre cette vie d’aventures. Le nom de grimpeiros (grimpeurs), qui, dans le jargon des contrebandiers, était devenu garimpeiros, rappelle assez le genre de vie auquel ces hommes s’étaient condamnés. D’autres, connus sous le nom plus modeste de contrabandistas, couraient des périls d’une autre sorte. C’étaient pour la plupart des habitans mêmes du district ou des voyageurs venus sous prétexte de porter des marchandises, qui, après avoir réalisé quelques diamans provenant presque toujours de vols commis par les nègres de l’exploitation, s’empressaient de