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temple aujourd’hui avec tristesse ces rues presque désertes, ces maisons abandonnées, ces églises ou ces couvens mornes et lézardés.

La découverte des gisemens aurifères n’en a pas moins été un grand bienfait pour le Brésil. Si la fascination de l’or n’avait pas attiré des habitans dans les déserts de Goyaz, Matto-Grosso, Minas-Geraes, Minas-Novas, la race portugaise n’aurait probablement jamais quitté les bords de l’Atlantique. Des pays immenses, cités parmi les plus riches du monde, nous auraient été à jamais fermés. Quelques Paulistes allaient, il est vrai, dans ces vastes solitudes à la chasse de l’Indien, mais ce n’étaient là que des soldats isolés. Le gros de l’armée ne suivait pas ; c’était trop d’affronter à la fois les flèches empoisonnées, les fatigues de la route et les miasmes des forêts. Lorsque le cri de l’eldorado eut retenti dans les plaines de Piratininga, et que l’écho, traversant l’Océan, fut arrivé jusqu’aux Algarves, on vit tout à coup s’animer ces plages désertes. Des villes s’élevèrent, des picadas (sentiers) sillonnèrent les montagnes, l’activité européenne vint prendre possession de cette terre, et refoula au loin les tribus indigènes cuivrées, incapables de féconder le sol et destinées à disparaître tôt ou tard devant les exigences de la civilisation. Ce mouvement subit d’activité ne fut pas sans amener une transformation morale, et l’on vit les coureurs d’aventures eux-mêmes employer leur or à faire bâtir des églises, à doter des couvens, à enrichir les madones de dentelles ruisselantes de diamans. Un mineiro choisi pour parrain donnait 10,000 crusades à sa commère. N’allez pas demander à ces vieilles natures portugaises des écoles, des bourses, des monumens publics, des théâtres, des rues larges, droites, bien aérées, tout ce qui charme l’étranger débarquant à Sydney, à Melbourne, à San-Francisco et dans toutes nos villes modernes. La vie publique n’existait pas encore chez elles ; leur intelligence, énervée sous la double pression du saint-office et des interdictions royales, ne pouvait sortir du cercle des intérêts que pour se tourner vers les choses du ciel. Tel est cependant l’irrésistible effet de l’aisance sur la destinée des individus et des peuples, que ce fut dans cette même province de Minas que retentit vers la fin du siècle le premier cri d’indépendance qu’ait entendu l’Amérique du Sud.

L’exploitation des mines, commencée avec le XVIIIe siècle, a donc fini avec lui, en passant par les trois phases qui se succèdent dans toute entreprise aurifère : d’abord la période des riches pépites puisées au lit des ruisseaux descendant des montagnes granitiques, puis celle des lavages du cascalhão dans des sébiles ou de petits canaux creusés à cet effet, enfin, les terres s’appauvrissant de plus en plus à la longue, la période des fouilles pratiquées dans les entrailles