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ont compris que l’appauvrissement des sables aurifères ne promettait plus de rémunération convenable au travail individuel, ils se sont adressés aux forces collectives, à l’industrie, à l’association, et n’ont pas eu un moment l’idée d’employer à l’exploitation des mines les nègres de la Havane ou de la Louisiane. Il y a un siècle, les choses se passaient tout autrement : lorsqu’une bande tombait sur un sol aurifère, tous, chefs et soldats, se mettaient à l’œuvre. Leurs procédés d’extraction ne différaient en rien de celui que Pline et Strabon attribuaient à leurs ancêtres dans les montagnes de l’Ibérie. Chaque mineur avait son plat d’étain qu’il remplissait d’eau et de sable. Un mouvement giratoire imprimé à la sébile permettait à l’or de se rendre au fond à raison de sa pesanteur, tandis que le sable, plus léger, restait à la surface et était rejeté au fur et à mesure. Cette méthode, bonne seulement pour des terres très riches, dut bientôt paraître insuffisante à des hommes avides et enivrés de leurs premières découvertes. Dès qu’ils s’aperçurent de l’appauvrissement du cascalhao (gangue aurifère), ils eurent tout à coup le sentiment de leur dignité de blancs ; ils se dirent que le repos était fait pour eux, et que le travail ne convenait qu’aux races vaincues et idolâtres. La chasse aux Indiens, interrompue un moment à la vue des pépites d’or, recommença aussitôt de plus belle. De cette époque datent ces hécatombes humaines de peaux rouges et de peaux noires qu’on ne peut chiffrer que par millions. L’excès de travail, la perte de la liberté, n’étaient pas pour ces infortunés les seules causes de dépérissement. Le traitement du cascalhao ne pouvant avoir lieu que sur le bord des rivières, il en résultait que nègres et Indiens avaient continuellement les pieds dans l’eau. De là une mortalité effrayante. Si l’on ajoute que ces lavages se faisaient sans ordre, que les terres une fois traitées étaient rejetées sur d’autres terres inexploitées, que le pays, fouillé, bouleversé en tous sens, devenait ainsi impropre à l’agriculture, que les premiers mineurs dans l’enivrement de leur fortune ne savaient pas garder leurs richesses, on comprendra sans peine que la prospérité des mines ne pouvait être de longue durée. Le rendement du quint était le thermomètre infaillible de la situation de la province ; après s’être accru jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, il diminue sensiblement à partir de cette époque. Cinquante ans après, la province de Minas était épuisée, et tandis que San-Francisco, Nevada-City et toutes les autres villes naissantes de la Californie n’ont pas cessé un seul instant de voir leur prospérité s’accroître même après la disparition de l’or, les cités brésiliennes élevées sur les emplacemens de gisemens aurifères allèrent déclinant de plus en plus. Ces villes si riches, si animées, perdirent peu à peu leurs habitans, et le voyageur con-