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toujours de rivière en rivière, ils ne pouvaient manquer d’entrer tôt ou tard dans quelque ruisseau sorti des montagnes granitiques et roulant dans ses eaux limpides le sable aurifère. Telle fut l’origine d’un événement qui devait changer la face du Brésil.

Dès que les premières pépites d’or parurent à Saint-Paul, ce fut comme un délire qui s’empara des habitans : toutes les forces vives du pays s’appliquèrent aussitôt à la recherche des gisemens- du précieux métal. Ce que la race portugaise dépensa alors d’énergie, si l’on en croit les annales des Paulistes et des mineiros (habitans de la province des Mines), semble dépasser toute imagination, et ne peut se comparer qu’aux fabuleuses légendes des temps héroïques. Une troupe de mamelucos s’organisait en bandes pour chercher aventure sous la conduite du plus brave ou du plus expérimenté, et s’enfonçait sans carte, sans boussole, dans les immenses déserts de l’intérieur. Ces courses duraient quelquefois plusieurs années. Ni les horreurs de la faim, ni les morsures des serpens, ni la dent du tigre, ni les flèches indiennes ne pouvaient arrêter ces hardis coureurs ; les fleuves mêmes n’étaient pas une barrière. Ils traversaient en se jouant, sur une peau de bœuf, les courans les plus rapides, s’ouvraient un chemin avec le feu dans les forêts trop épaisses, exterminaient les tribus indigènes qui faisaient mine de s’opposer à leur passage, et ne s’arrêtaient qu’après avoir rencontré un terrain aurifère. Là, la troupe se divisait : les uns se mettaient en mesure de procéder aux lavages, tandis que les plus alertes reprenaient le chemin de la côte et allaient annoncer à leurs compatriotes la découverte de l’eldorado. Ces récits exaltaient les courages et entretenaient l’enthousiasme. D’autres bandes s’organisaient, affrontaient les mêmes fatigues, les mêmes périls, et finissaient également par atteindre les régions aurifères. De ces expéditions datent les découvertes de ces célèbres gisemens qui pendant le XVIIIe siècle ont fait du Brésil la terre classique de l’or. La première découverte importante que firent les mamelucos fut celle des mines fameuses de Jaraguá, montagne située à une vingtaine de milles de Saint-Paul. Plus tard vinrent les résultats non moins heureux obtenus à Ouro-Preto en 1699, à Cuyabá en 1719, à Villa-Boa en 1726.

Le plus intrépide de ces coureurs d’aventures ou du moins le plus connu est sans contredit Bartolomeo Bueno da Silva, dont le nom est légendaire dans les souvenirs des Paulistes. C’était une de ces sauvages natures du désert, offrant le type du mameluco dans toute sa crudité et son héroïsme. Élevé pour ainsi dire au milieu des bois, il s’était rompu de bonne heure aux fatigues de cette vie périlleuse, vers laquelle il se sentait entraîné. Les forêts n’avaient pas de secrets pour lui ; sa sagacité et son expérience lui permettaient