Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 52.djvu/333

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et ce fut aux Paulistes (habitans de la province de Saint-Paul) que revint la gloire des premières et des plus brillantes découvertes.

Ces hommes étaient merveilleusement propres à la vie d’aventures qu’imposaient de pareilles entreprises. Leurs pères, débris pour la plupart de ces vaillantes bandes qui avaient fait la guerre de l’indépendance, prirent pour épouses les femmes des Indiens, à mesure qu’ils réduisaient ces derniers en esclavage. Le nom de mamelucos (mamelouks), par lequel on les trouve souvent désignés dans les annales de l’époque, indique assez leur genre de vie et leur mode de recrutement. On devine sans peine ce qu’on pouvait attendre du mélange de ces deux races. Héritant à la fois de l’énergie portugaise et de la sauvagerie du désert, élevés au grand air dans les vastes plaines du Piratininga, au bruit du mousquet et des cris de mort qui retentissaient chaque jour dans les forêts voisines, les fils n’eurent plus de l’Européen que la fiévreuse activité du conquistador. La chasse à l’Indien était leur unique affaire et leur source de revenu la plus productive. Leurs cruautés devinrent si révoltantes que les protecteurs des peaux-rouges crurent devoir, après maintes menaces inutiles, solliciter les foudres de l’église contre les persécuteurs, qui furent en effet excommuniés par Urbain VIII ; mais de telles armes ne pouvaient avoir de prise sur ces rudes natures. À peine la bulle fut-elle arrivée à Rio-Janeiro, que les Paulistes, se mettant en révolte ouverte contre les autorités civiles et religieuses, expulsèrent les jésuites, qui défendaient les Indiens, et se déclarèrent indépendans de Rome et de Lisbonne. Que pouvaient les ordres et les menaces de l’Europe à travers l’Océan et les forêts américaines ? Dédaignant les forces de l’Espagne comme ils dédaignaient celles du Portugal, ils allaient chercher des esclaves jusque dans les réductions du Paraguay, et enlevaient tous les néophytes qui tombaient en leur pouvoir. On ne put mettre un terme à ces courses de brigands qu’en donnant aux indigènes le droit de se servir d’armes à feu. Dès ce moment, l’activité inquiète des mamelucos dut prendre une autre direction. Les uns, cédant à leurs vieilles habitudes, s’enfoncèrent dans le désert, à la piste de sauvages qui ne maniaient encore que l’arc ; d’autres, plus ambitieux et non moins hardis, se dirigèrent vers les montagnes du Pérou, à la recherche de la Serra-das-Esmeraldas (montagne des émeraudes), qui jouait dans les traditions du sud le rôle de l’Eldorado chez les populations de la Guyane et de la Colombie. Au milieu de ces forêts impénétrables, chasseurs d’hommes et chercheurs de pierres précieuses se voyaient souvent obligés de construire une barque et de se confier aux fleuves qu’ils rencontraient sur leur route. Remontant