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prennent les mêmes formes que les névés des glaciers. Ces dunes sont composées uniquement de sable siliceux très fin, semblable à celui de Fontainebleau, et dans quelques points on retrouve le grès friable qui leur a donné naissance ; elles ont été formées sur place et non point amenées par le vent de la région montagneuse. Dans le Souf, le fond de la mer saharienne était du grès ou du sable déposé par les fleuves. Ce sable, aujourd’hui à sec, est sans cesse remanié par le vent. Néanmoins les dunes ne se déplacent pas et conservent leur forme, quoique le vent, pour peu qu’il soit un peu fort, enlève et entraîne le sable de la surface.

On voit alors une couche de poussière mobile courir dans les vallées, remonter les pentes des dunes, en couronner les crêtes et retomber en nappe de l’autre côté. Deux vents, celui de nord-ouest et celui du sud ou simoun, règnent dans le désert. Leurs effets se contre-balancent si bien que l’un ramène le sable que l’autre a déplacé et la dune reste en place et conserve sa forme : l’Arabe nomade la reconnaît, et c’est pour les étrangers que des signaux formés d’arbrisseaux qu’on accumule sur les crêtes jalonnent la route des caravanes. Quand le temps est clair, rien de plus facile que de se diriger dans le désert ; mais quand le simoun se lève, alors l’air se remplit d’une poussière dont la finesse est telle qu’elle se tamise à travers les objets les plus hermétiquement fermés, pénètre dans les yeux, les oreilles et les organes de la respiration. Une chaleur brûlante, pareille à celle qui sort de la gueule d’un four, embrase l’air et brise les forces des hommes et des animaux. Assis sur le sable, le dos tourné du côté du vent, les Arabes, enveloppés de leurs bournous, attendent avec une résignation fataliste la fin de la tourmente ; leurs chameaux accroupis, épuisés et haletans, étendent leurs longs cous sur le sol brûlant. Vu à travers ce nuage poudreux, le disque du soleil, privé de rayons, est blafard comme celui de la lune. Le 7 mars 1844, la colonne commandée par les ducs d’Aumale et de Montpensier essuya un simoun près de l’oasis de Sidi-Obkah, non loin de Biskra. Lèvent soufflait de l’ouest-sud-ouest, l’ouragan dura quatorze heures. M. Fournel, ingénieur des mines, qui accompagnait l’expédition, constata le lendemain que le vent n’avait balayé qu’une zone étroite du désert parallèle à l’Aurès, et que le calme régnait au pied de la montagne. Dans le Souf, ces vents ensevelissent les caravanes sous des masses de sable énormes ; c’est ainsi que périt l’armée de Cambyse, et les nombreux squelettes de chameaux que nous rencontrâmes témoignent que ces accidens se renouvellent encore quelquefois.

Le gypse n’a pas disparu complètement dans le désert de sable,