Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 52.djvu/325

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

terrains, c’est un arbuste[1] dont les feuilles charnues se couvrent d’efflorescences salines, et dont les panicules de fleurs roses égaient la monotonie du désert. Vers le sud, cet arbrisseau devient presque un arbre et rivalise avec les tamaris, qui occupent les localités humides mais à mesure que la proportion de sel devient plus forte, le nombre des espèces diminue, même les touffes des Salsolacées ligneuses[2] deviennent plus rares et, plus rabougries. Enfin, si la proportion du sel est trop grande, le terrain reste nu et dépouillé, formant une surface unie où la poussière est inconnue, car le sel la maintient constamment humide, utile enseignement pour l’arrosement de nos voies publiques d’où la poussière devrait être bannie. Dans les mares permanentes, on remarque quelques plantes analogues à celles des marais salans du Languedoc ; mais dans les chotts la salure est telle que la vie animale et la vie végétale disparaissent totalement. Ce sont de vastes surfaces d’eau immobile, sans profondeur, qui s’étendent à perte de vue en contournant les berges peu élevées des plateaux gypseux. Sous les rayons du soleil, ces lacs ont des teintes bleuâtres métalliques, rappelant celles de l’acier. L’Oued-Rir, cette longue dépression, presque au niveau de la mer et dont les Chott-Melrir occupe le fond, est le type du désert d’érosion. Une série d’oasis occupe les parties arrosées depuis Om-el-Tiour (la mère du faucon), sur le bord occidental du Chott, jusqu’à Tougourt et au-delà. Les dunes de sable commencent à se montrer dans l’Oued-Rir, mais non d’une manière continue ; elles se multiplient aux environs de Tougourt, et nous annoncent l’approche du véritable désert.

Le Désert de sable. — On donne le nom de Souf à ce désert de sable qui s’étend de Tougourt aux frontières de la Tunisie. C’est la partie que nous avons visitée. Si le désert des plateaux est l’image d’une mer figée pendant un calme plat, le désert de sable nous représente une mer qui se serait solidifiée pendant une violente tempête. Des dunes semblables à des vagues s’élèvent l’une derrière l’autre jusqu’aux limites de l’horizon, séparées par d’étroites vallées qui représentent les dépressions des grandes lames de l’océan, dont elles simulent tous les aspects. Tantôt elles s’amincissent en crêtes tranchantes, s’effilent en pyramides et s’arrondissent envoûtes cylindriques. Vues de loin, ces dunes nous rappelaient aussi quelquefois les apparences du névé dans les cirques et sur les arêtes qui avoisinent les plus hauts sommets des Alpes. La couleur prêtait encore à l’illusion Modelés par les vents, les sables brûlans du désert

  1. Limoniastrum guyonianum.
  2. Salsola vermiculata, Anabasis articulata, Suoeda fruticosa, etc.