Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 52.djvu/320

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont les restes de cette mer intérieure. Une série de ces lacs salés nous conduit jusqu’au golfe de Gabès, la Petite-Syrte des anciens, sur les côtes de la Tunisie. Le dernier de ces chotts, l’immense lac Fejej, s’arrête à 16 kilomètres seulement de la mer : que cet isthme se rompe, et le Sahara redevient une mer, une Baltique de la Méditerranée. Un phénomène semblable se produit dans le Nord ; le fond du golfe de Bothnie s’élève sans cesse, et avec le temps un Sahara septentrional séparera la Suède de la Finlande ; d’immenses steppes s’étendront de Stockholm à Tornéo, et les îles d’Aland apparaîtront comme un groupe de montagnes isolées entre l’ancienne presqu’île Scandinave et le continent européen. Le petit nombre d’espèces de mollusques[1] dont les coquilles se trouvent dans le Sahara africain est une analogie de plus avec ces mers, dont la faune s’appauvrit à mesure que la profondeur diminue.

On conçoit la disparition de la mer saharienne même sans supposer que le fond s’en soit élevé comme celui du golfe de Bothnie, où la sonde constate depuis plusieurs siècles une diminution progressive de la profondeur. Les torrens éphémères qui se jetaient dans le golfe saharien n’y versaient qu’une faible quantité d’eau à cause de la rareté des pluies et du peu d’élévation des montagnes, dont les sommets seuls se chargent de neige pendant quelques mois. Cette eau ajoutée chaque hiver à la masse existante s’évaporait bien vite sous l’influence d’un soleil tropical, d’une sécheresse de huit mois et de vents violens soufflant du nord et du sud ; mais ces mêmes torrens, dont le faible tribut était incapable de maintenir le niveau de ce golfe, s’il n’avait pas communiqué directement avec la Méditerranée, déposaient chaque année dans ses eaux peu profondes les quantités immenses de sable, d’argile et de cailloux roulés que nous voyons aujourd’hui à découvert. Ces sables s’accumulaient à l’embouchure du golfe saharien dans la Méditerranée, au fond de la Petite-Syrte, près de Gabès en Tunisie. Sous l’influence des courans qui régnaient alors, l’ouverture s’est peu à peu rétrécie, et enfin un cordon littoral de 16 kilomètres de large s’est interposé entre la Méditerranée et son appendice saharien. N’étant plus en communication avec la Méditerranée, les eaux se sont abaissées au-dessous du niveau de cette mer, comme elles le sont encore aujourd’hui ; des cordons littoraux et des hauts-fonds intérieurs ont séparé les différens bassins, qui sont devenus les chotts ou lacs salés appelés chott Melzir, chott-el-Hadjila, chott-el-Grarnis, et enfin le chott-el-Faroun et le chott-el-Fejej, qui communiquent entre eux et forment un immense lac étendu de 176 kilomètres en

  1. Cardium edule, Buccinum.