Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 52.djvu/312

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des hauts plateaux ; la ville de Batna est placée à l’extrémité du dernier de ces plans successifs, à 1,060 mètres au-dessus de la mer. Au nord-ouest s’élèvent les crêtes de l’Atlas, couronnées de cèdres qui se découpent sur le ciel. La pyramide du Djebel-Tougour, semblable aux pics des Pyrénées et désignée par les colons algériens sous le nom de Pic-des-Cèdres, domine tout le massif. Vers le sud-est s’étendent les montagnes de l’Aurès, aux formes arrondies et revêtues de bois de chênes verts et de pins d’Alep. L’ancienne Lambesse se cache dans un repli de la montagne. Les enceintes du camp romain sont parfaitement visibles ; la masse cubique du prétoire antique en occupe le centre. Quatre portes triomphales encore debout, des temples, un aqueduc, des mosaïques, des pierres tumulaires sans nombre, des postes avancés, plus de sept cents inscriptions relevées par M. Léon Renier, tels sont les restes d’une ville couvrant une surface immense, et dont la population ne devait pas être au-dessous de 30,000 âmes. En sortant du camp de Lambesse, vers le nord-ouest, on suit une longue ligne de tombeaux. À l’extrémité, au milieu des champs d’orge d’où s’élevaient des nuées d’alouettes, je m’acheminai vers la pyramide de Flavius Maximus, préfet de la troisième légion auguste. Ce monument tombait en ruine ; M. Carbuccia, colonel et antiquaire, le fit relever, et le 4 mars 1849 la garnison de Batna défila devant la pyramide, restaurée, qui recouvre depuis tant de siècles le corps du chef de la troisième légion. Certes, si jamais soldats furent dignes de rendre des honneurs à un général romain, ce sont les soldats de cette armée d’Afrique qui ont conquis sur la barbarie une nouvelle France située en face de la première, au bord de la Méditerranée, redevenue la grande route du monde. Contenant les Arabes par leur fermeté, ils ont ouvert des routes, construit des ponts, élevé des aqueducs, fondé des villes comme leurs devanciers. Quand on voit le camp romain de Lambesse, contigu à la ville civile, et Batna, bâtie sur le même plan, on reconnaît l’œuvre du même génie politique et militaire. En Afrique, l’armée, utile, active, laborieuse, a une haute signification morale : elle est à la fois conquérante et civilisatrice, protectrice des populations sédentaires et laborieuses, redoutable seulement pour l’Arabe vagabond, pillard et fanatique, race rebelle à toute civilisation, comme les Indiens de l’Amérique du Nord, et destinée fatalement à disparaître du pays qu’elle ruine depuis si longtemps.

À six kilomètres au sud de Batna est un large col surbaissé qui se confond avec le plateau au-dessus duquel il s’élève de cent mètres seulement. Là se trouve le point de partage des eaux qui coulent au nord vers la Méditerranée, au sud vers une autre mer qui n’existe plus, celle qui couvrait jadis le désert du Sahara. Le Pic-des-Cèdres