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à leurs congénères d’Europe, qu’il hésite à les en séparer. Ainsi la flore de la région littorale de l’Algérie n’est qu’un prolongement de celle du midi de la France et chaque province participe de la végétation du rivage européen le plus voisin. La flore de la province d’Oran rappelle celle de l’Espagne ; la végétation de la province d’Alger est celle qui offre le plus de ressemblance avec la végétation de la Provence et du Languedoc, et le voisinage de la Sicile se fait sentir dans celle de Constantine. M. Cosson, dont le monde savant attend avec impatience la flore d’Algérie, confirme ces aperçus par les résultats irrécusables de la statistique végétale. Ainsi, sur 1,428 plantes qui forment le total des espèces qui croissent dans la province de Constantine, 1,056 se retrouvent dans l’Europe méditerranéenne ; les autres existent en Orient ou sont spéciales à la province. Deux végétaux américains, mais naturalisés sur tout le pourtour de la Méditerranée, frappent les yeux les plus inattentifs par l’étrangeté de leurs formes, et ce sont eux que les peintres choisissent de préférence pour caractériser la physionomie d’un pays qui n’est pas le leur ; ce sont l’aloès-pitte[1] et la ligue d’Inde[2]. Le dattier lui-même ne devrait jamais figurer dans les paysages du littoral algérien ; le désert, où ses fruits mûrissent, voilà sa véritable patrie, et non pas le Tell, où il n’est qu’un arbre d’ornement improductif.

L’uniformité de la végétation ou l’unité botanique de la région méditerranéenne ne saurait donc être mise en doute. Préservés par la chaîne de l’Atlas du souffle brûlant des vents du désert, les végétaux retrouvent sur le rivage africain le climat de la Provence ; mais bientôt ils rencontrent la barrière de l’Atlas, où ils ne résistent pas à la rigueur des hivers. Cependant quelques-uns franchissent la chaîne, mais s’arrêtent au bord du désert, où la chaleur et la sécheresse de l’air, jointes à la salure du sol, créent des conditions incompatibles avec leur existence. Un petit nombre pénètrent plus ou moins loin dans le Sahara, ce sont surtout des plantes salines, plus sensibles à la présence d’une certaine quantité de sel marin dans la constitution du sol qu’aux influences météorologiques si puissantes sur la plupart des végétaux.

Si nous interrogeons la zoologie, elle nous répondra comme la botanique. Une foule d’oiseaux émigrent de France en Algérie ; un grand nombre d’animaux et d’insectes se retrouvent dans les deux pays. Mais, dira-t-on, le lion, la panthère, le serval[3], la hyène, le

  1. Agave americana.
  2. Opuntia ficus-indica.
  3. Felis Serval