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REVUE DES DEUX MONDES.

surtout M. de Montalivet dans la réplique émue, sincère, éloquente, qu’il vient d’adresser à d’injustes appréciations dont récemment ces dix-huit années étaient encore l’objet. La conviction communicative de M. de Montalivet gagnera les lecteurs de sa généreuse apologie. En revenant aux années qui suivirent 1830, M. de Montalivet oublie les cruelles souffrances de la maladie qui le torture depuis si longtemps, il remonte vers sa jeunesse et à une époque en effet qui aura du moins toujours ce prestige d’avoir été en tout, en littérature, en art, en politique, l’épanouissement de la jeunesse de notre siècle. M. de Montalivet porta, lui, sa jeunesse dans la politique ; il fut un homme d’action du régime parlementaire, il fut l’ami intelligent et indépendant du roi, et, dans la courte brochure où il vient d’exprimer sa chaleureuse protestation, le public de ce temps-ci retrouvera avec sympathie une des figures les plus ouvertes, les plus spirituelles et les plus aimables qui aient honoré notre régime parlementaire.

E. FORCADE.

REVUE MUSICALE.

Si on négligeait de dire quelques mots sur les nombreux concerts qui se sont donnés à Paris pendant le long hiver de 1864, on n’aurait pas fait l’histoire fidèle du mouvement musical qui pénètre dans toutes les classes de la société. Les théâtres lyriques sont si pauvres et produisent des œuvres si faibles que le public d’élite aime mieux aller entendre une symphonie de Beethoven, de Mozart, d’Haydn, que de s’ennuyer aux représentations d’une Mireille. Quelle différence entre un chœur de Haendel, un hymne de Palestrina, les concertos de Beethoven, de Mozart, et des opéras comme l’Éclair ! Ainsi donc il y a eu beaucoup de musique de chambre cette année, les concerts ont été nombreux et variés, et le public s’est rendu partout où on lui offrait un programme intéressant. Aussi n’a-t-il pas manqué aux séances princières du Conservatoire, aux Concerts populaires de musique classique, dont l’institution fait honneur à M. Pasdeloup, quoi qu’en disent de petits esprits qui jugent les hommes et les choses avec une arrogance ridicule. À côté de ces deux grandes institutions, il faut placer les séances de quatuor de MM. Allard et Franchomme, celles de MM. Maurin et Chevillard, de MM. Armengaud et Léon Jacquart. MM. Ritter et Saint-Saëns ont donné aussi des séances de musique instrumentale qui ont été fort goûtées. M. Ritter est un pianiste d’un grand talent, musicien jusqu’au bout des ongles, et il joue toute musique avec une précision et un éclat qu’on ne peut trop admirer. Les trois belles soirées où on l’a entendu dans les salons d’Érard ont prouvé qu’il comprenait Beethoven aussi bien que Haydn, Mozart et tous les maîtres. M. Ritter est le pianiste ordinaire de Rossini ; c’est cet habile virtuose qui joue les nouvelles compositions du maître devant le public d’élite que réunissent ses brillantes soirées. M. Saint-Saëns a eu aussi la bonne idée de convier dans la