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de contrebande. On ignore si le Florida prit son armement et sa cargaison dans les eaux anglaises avant d’arriver à Nassau, ou s’il les reçut dans ce port. Il y fut momentanément arrêté, puis relâché par les autorités coloniales. Il partit bientôt avec son armement et sa cargaison pour Mobile, où il réussit à entrer. C’est du reste le seul parmi les corsaires sortis des ports anglais qui ait pris la peine de se rendre dans un port du sud et dans des eaux confédérées avant de faire la course au nom du gouvernement de Richmond.

Le Georgia (nommé d’abord Japan) et l’Alabama, construits tous deux en Angleterre, commencèrent leurs déprédations sans avoir été prendre leurs commissions, leur armement et leur équipage dans un port du sud, et, suivant l’expression de M. Loring, ils ont toujours conservé avec l’Angleterre une sorte de connexion ombilicale, car c’est des ports anglais qu’on leur a longtemps expédié des munitions de guerre et du charbon, aussi régulièrement que l’a permis leur carrière aventureuse. Le second de ces navires A acquis une triste et redoutable célébrité. C’était un magnifique steamer, muni d’une puissante machine qui lui a permis d’échapper pendant deux ans à toutes les poursuites. Construit à Liverpool, dans les ateliers de M. Laird, sous la direction des agens confédérés, il y devint bientôt l’objet de la surveillance du consul américain. Le 23 juin 1862, M. Adams, ministre des États-Unis à Londres, écrivait à lord Russell pour l’informer que l’Oreto (le Florida) était rendu à Nassau, et pour lui annoncer qu’un autre et plus formidable corsaire allait prendre la mer à Liverpool. Le 25 juin, lord Russell ouvrit une enquête, et on l’informa que les constructeurs « ne paraissaient disposés à répondre à aucune question relative à la future destination de ce bâtiment. » Il refusa en conséquence de s’occuper de l’affaire avant d’avoir reçu des preuves de la violation du foreign enlistment art. M. Adams avait déjà fourni des lettres des agens confédérés interceptées par les croiseurs fédéraux et. relatives au nouveau navire ; il y ajouta une série de dépositions faites sous serment à Liverpool. Cet ensemble de preuves fut livré à l’examen des conseillers légaux de la couronne le 24 juillet, et cinq jours après ordre fut envoyé à Liverpool d’arrêter l’Alabama au nom du gouvernement. Dans l’intervalle, le corsaire, profitant de ces lenteurs et de ces tergiversations, avait réussi à sortir du port sans être aperçu. Lord Russell, pour donner une demi-satisfaction à M. Adams, déclara qu’il enverrait à Nassau l’ordre de saisir l’Alabama, mais le corsaire ne s’y est jamais présenté, bien qu’il ait croisé pendant plusieurs mois dans les Antilles, où il a pu impunément se réparer dans le port anglais de Kingston. Parti de Liverpool le 29 juillet 1862, sous le commandement d’un capitaine de la marine de réserve anglaise, l’Alabama ajouta cinquante hommes à son équipage