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populations dont le fanatisme n’a rien perdu de son ardeur, on dirait que cette cité est encore sous l’empire des idées qui florissaient en 1828, lorsque les masses se laissaient conduire au cri de vive la religion ! Ce cri n’a pas perdu toute sa force, il éclate parfois et parvient à galvaniser les populations. En 1862, une insurrection militaire éclatait à Braga ; faible d’abord, elle n’acquit de l’importance que lorsque, se voyant abandonnée, elle poussa le cri sacramentel sans trop se rendre compte de ce qu’elle faisait. Le danger n’était pas grand, car les révoltés, embarrassés de leur victoire, essayaient d’entraîner le pays ; ils n’arrivèrent qu’à se débander sans combat dès qu’ils s’écartèrent du quartier-général de leur insurrection. Jusqu’ici, et cela ne manque pas d’un certain comique, on n’a pu parvenir à découvrir le prétexte bon ou mauvais de ce pronunciamento.


IV

Le mélange de ces élémens divers a développé des mœurs gouvernementales et administratives qui ne laissent point de former un côté original de la société portugaise. Il ne faut point en faire un crime aux hommes d’état, si leur bonne volonté affecte parfois des allures confuses ; leur position est des plus difficiles. Ils doivent prendre l’initiative en tout et laisser voir en même temps le moins possible la main qui exécute. Le peuple portugais se laisse facilement diriger, il est vrai ; mais il porte le culte de la liberté jusqu’au fanatisme : à la moindre restriction, son bon sens naturel l’abandonne ; si l’on ne veut le pousser à quelque folie, il faut le laisser revenir de lui-même. Cependant, si l’on analyse les résultats obtenus, on reconnaîtra vite que, depuis 1851 surtout, le gouvernement a pris une marche notablement régulière, tout en se conformant, et c’était là une condition de succès, au programme : « ne gêner personne. » Les guerres civiles et les tourmentes révolutionnaires avaient laissé grandir des influences personnelles, des tyrannies de clocher, dont l’action se substituait à celle des lois ; il fallait patienter et négocier pour les faire abdiquer volontairement, souvent même s’en servir avant de les détruire. Le désordre et la pénurie étaient dans les caisses de l’état ; les employés, honnêtes au fond, étaient fort mal payés, lorsqu’ils l’étaient ; il fallut donc, en imposant des sacrifices d’un côté et en se créant des ressources de l’autre, payer les arriérés, régler les dépenses et remplir les caisses. Or si par exemple on voulait commencer par porter la lumière sur tout ce qui touche à l’impôt, on s’apercevait qu’il n’existait point de cadastre, et si l’on essayait d’en dresser un, on venait se heurter contre le mauvais