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bouillante de l’enfer. Tout ce monde de serranos (montagnards) et de marnotes (ouvriers des salines) est là, frémissant et frappant la dalle d’un front couvert de sueur ; puis un magnifique feu d’artifice vient couronner la prédication : les fusées et les feux de Bengale sont au moins pour moitié dans les effets oratoires. Si ces moyens ne suffisaient pas encore, on aurait recours au miracle, qui, lui, ne trouve pas un incrédule.

Autrefois le haut clergé s’occupait fort peu des subordonnés qu’il envoyait dans les campagnes, et en fait de science les desservans n’avaient guère à leur usage que quelques phrases latines fort obscures pour eux. Cette situation n’a guère changé, il faut le dire, et si l’influence du prêtre persiste, cela est dû beaucoup plus à la force de l’habitude qu’à la supériorité intellectuelle. Il existe fort peu d’écoles ecclésiastiques. Élevé en général dans un modeste lycée de district, le jeune lévite mène une vie libre et souvent fort désordonnée. Lorsqu’il entre au grand séminaire, s’il y entre (car il peut être ordonné sans passer par là), il se plie sans doute à une certaine discipline ; mais il ne peut modifier les instincts que sa vie d’externe a déjà développés. Depuis nombre d’années, l’université de Coïmbre fournit des prêtres d’une supériorité incontestable sur ceux qui viennent des séminaires. Cela est naturel, l’éducation du prêtre, ici moins spéciale, lui permet de partager les idées de camarades dont rien ne le sépare ; il connaît l’émulation et s’initie aux besoins de la société. Lorsque, devenu docteur en droit canonique ou en théologie, il entre dans les ordres, il apporte dans l’exercice de son ministère une indépendance de pensée que l’on ne trouve guère ailleurs.

Si jadis la société civile a été profondément pénétrée de l’élément clérical, elle prend sa revanche. En dépit de toutes les protestations épiscopales qui se produisent, elle se mêle d’une façon très active des affaires religieuses ; les dignités ecclésiastiques sont souvent au concours, et plus d’un juge laïque a été appelé à donner son avis sur le mérite des concurrens. Est-ce un bien ? est-ce un mal ? Toujours est-il qu’il existe une tendance marquée à faire disparaître les barrières qui séparent le prêtre de la vie commune. Un mouvement pareil ne pouvait se manifester sans qu’il se produisît de violentes oppositions : il reste encore beaucoup de débris du bon vieux temps ; tout ce monde se réunit et lutte pour le salut d’une organisation qui s’est elle-même compromise. Braga paraît être devenu le centre d’action de ces regrets impuissans ; là quelques vieux fidalgos blessés dans leurs intérêts sont venus mêler leurs récriminations aux doléances des chanoines. Braga est d’ailleurs une ville fort bien choisie pour la propagande. Située dans une partie mon tueuse de la province du Douro, isolée au centre de