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et rua das Flores, non pour discourir sur des sujets oiseux, mais pour discuter leurs affaires. Dans les rues abruptes de la ville, on remarque une population active qui se presse en tous sens : un paquebot arrive d’Angleterre, un autre, lançant dans l’azur du ciel ses flots de fumée noirâtre, va partir pour le Brésil ; il faut escompter à la hâte une signature, veiller à la dernière installation de ce brick prêt à ouvrir ses voiles. De lourds chariots traînés par de petits bœufs trapus encombrent les quais, tandis que dans le port se croisent des bateaux de toute forme et de toute dimension, le lourd chaland et la gondole légère. Le Portuense est fier de cette activité fébrile. C’est avec l’Angleterre que se font les échanges les plus nombreux. En retour du fer et du charbon qu’elle fournit, l’Angleterre prend des vins, des fruits, des bestiaux et du sel. Que l’on ne s’étonne pas de la faveur dont jouit ici le commerce anglais ; la cause en est tout entière dans le fait que m’indiquait un jour l’un de ces marchands. « Vous autres, Français, vous n’êtes point commerçans ; vous arrivez, vous vendez et emportez notre argent ; les Anglais, eux, nous apportent leurs guinées et enlèvent nos marchandises. »

Bien que parcimonieux, le Portuense est hospitalier ; il aime l’ostentation : aussi n’est-il pas rare de trouver de somptueuses résidences auprès des bâtimens industriels. Tel est le château de Freixo, que l’on rencontre, en remontant le fleuve, à 2 ou 3 kilomètres de la ville. Si le Portuense s’occupe de théâtres, de promenades, soyez convaincu que c’est plutôt pour se soumettre à la mode que par goût : son affaire, c’est la banque de Porto, la banque de l’union, le comptoir de crédit, la caisse hypothécaire. Il aime la toilette pour montrer ses richesses, pour étaler son luxe. Par son caractère positif et un peu rude, le Portuense se trouve sans cesse en opposition avec l’alfasinho, qui lui rend ce sobriquet en l’appelant tripeiro (mangeur de tripes). Le Lisbonnais lui reproche de manquer de goût ; cela se peut, mais il reste à Porto une supériorité que la capitale ne saurait lui contester : c’est que les femmes y sont merveilleusement séduisantes. Au reste, dans toute la partie nord du Portugal, la femme est généralement belle : elle a la taille élevée et cambrée, le teint blanc et rose, le regard ardent, le visage ovale et distingué. C’est ainsi au moins qu’elle m’est apparue ; elle jouit au reste de cette réputation de beauté dans tout le royaume.

La seconde capitale du royaume supporte mal le joug de son aînée : tout devient sujet de comparaisons et de rivalités. Je me promenais un jour entré deux amis : l’un était né au Chiado, l’autre était pur tripeiro ; le premier accablait celui-ci de toute la supériorité de Lisbonne. Vint à passer un groupe de jeunes filles à la peau