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est à l’étude ou même commencé, aura rejoint la station d’Avenza, le prix du transport diminuera de moitié, et les propriétaires des carrières échapperont surtout aux exigences des facchini, ces insolens portefaix de la plage. Massa et Seravezza pourront voir également les blocs descendre des carrières sur des embranchemens ferrés ou de simples tram-roads[1], et arriver jusqu’à la Spezzia traînés par la locomotive. Là, dans ce magnifique golfe, où la nature a tracé d’avance le plus beau port de l’Italie, les marbres s’embarqueront à prix réduit, et souvent comme lest, pour tous les ports de la Méditerranée et tous ceux de l’Atlantique.

Le port actuel où Carrare embarque ses marbres est connu sous le nom de Spiaggia d’Avenza, du nom du village qui se trouve tout près de là. Un large ruisseau, le Carrione, descendu des carrières, vient mourir à la marine, et c’est une remarque à faire que partout, dans les trois districts marbriers, Seravezza, Massa et Carrare, les conditions topographiques sont les mêmes. Aux flancs des vallées transversales sont les carrières. Sur chaque point, ces vallées se réunissent en une seule : la Versilia à Seravezza, le Frigido à Massa, le Carrione à Carrare ; toutes trois sont parallèles, et chacune vient finir à la mer en y marquant le port d’embarquement. Enfin toutes les carrières sont contenues dans la même chaîne de montagnes, vaste contre-fort détaché du massif principal des Alpes apuanes et courant parallèlement au rivage.

La vue dont on jouit de la plage de Carrare en se tournant vers les montagnes n’est pas moins pittoresque que celle de Forte de’ Marmi à Seravezza. Non loin du dépôt des marbres est Avenza, avec son vieux château-fort aux tourelles massives, aux fenêtres ogivales, aux élégans créneaux. La pierre a été taillée avec amour par un artiste du temps. Ce château commandait la voie Émilienne, et au moyen âge, au commencement des temps modernes, il arrêta plus d’une fois les armées qui descendaient en Italie. Le célèbre capitaine lucquois Castruccio Castracani, qui a mérité d’avoir Macchiavel pour historien, fit construire au XIVe siècle cette magnifique citadelle.

Les étymologistes font venir le nom d’Avenza de l’italien avanzi (ruines) : non loin du château de Castruccio sont en effet les ruines de la fameuse Luna, deux fois détruite, sous les Romains d’abord, après la soumission des Étrusques, puis au commencement du moyen âge, à la suite des incursions des Barbares, dont les hordes indisciplinées arrivaient dans l’Italie du centre par la voie Émilienne, qui traversait Luna. Du temps de Pline, la ville s’était relevée de ses premiers désastres, et faisait de nouveau le commerce

  1. Chemins à l’américaine comme celui de Paris à Versailles par le Cours-la-Reine.