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ouvriers ; elle est toute construite en beau marbre blanc saccharoïde, la seule pierre qu’on trouve en cet endroit. De l’éminence où j’étais placé, je contemplais avec un certain plaisir la pente que j’avais gravie. Le retour ne m’effrayait guère, car la descente, même par les étranges échelons dont j’ai parlé, est plus facile que la montée. Çà et là se dressaient les cimes neigeuses des points culminans de la contrée, entre autres la Pania et la Corchia, dont les pics isolés s’élevaient comme d’immenses pains de sucre. Quelques prairies se déroulaient en tapis de verdure aux flancs des montagnes, et trois lignes de végétation bien apparentes, en quelque sorte trois courbes horizontales, se dessinaient franchement, de quelque côté qu’on portât les yeux, comme si on les avait tracées au niveau. Chacune de ces lignes marquait une région botanique distincte : la région des châtaigniers, celle des hêtres, enfin celle des bruyères et des graminées.

Au pied de la carrière du Giardino, exposée au midi et défendue contre toute brise, poussaient à l’aise quelques plantes aux feuilles vertes, des choux sauvages montés déjà en graines, des violettes et des fraisiers qui n’attendaient que le printemps pour étaler leurs fleurs ou leurs fruits, et mériter à la carrière le nom de Giardino, dont on l’a décorée. Çà et là, on voyait quelques villages bâtis sur d’étroits plateaux, entre autres celui de Basati, d’où les ouvriers du Giardino pouvaient à leur tour être aperçus de leur famille ; partout ailleurs un horizon restreint, des vallées taillées en précipices, véritables déchirures du sol, s’entrecoupant en divers sens ; partout des roches abruptes de couleur sombre, soulevées à d’énormes hauteurs, aux époques des bouleversemens géologiques, par des agens plutoniques qui n’ont pas trouvé d’issue au dehors. Ces agens sont sans doute les mêmes qui, calcinant sur placé les argiles anciennes de ces localités, les ont transformées en schistes micacés ou talqueux, en stéaschistes et en ardoises, les mêmes qui ont ouvert ces fissures profondes, ces failles, comme on les nomme, où ont été injectés de bas en haut la galène argentifère, le cuivre gris, le fer oxydulé magnétique, le vermillon natif ou sulfure de mercure, enfin le quartz aurifère, car tous ces minerais ont été découverts et exploités sur différens gîtes de la contrée. Dirai-je de plus que ces