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parisiennes du maréchal de Saxe ; en attendant, nous pouvons en offrir une page à nos lecteurs. C’est une curiosité qui a son prix. Il s’agit des prétentions du duc de Richelieu, gouverneur du Languedoc, et de la leçon qui lui fut gaillardement donnée par un simple chanoine. La bouffissure insolente déconcertée par l’esprit et l’aplomb d’un homme du midi, voilà un tableau bien français. Le plaisir que prend Maurice en le dessinant à la plume est aussi un trait de caractère.


« M. de Richelieu essuie dans son gouvernement de Languedoc de petites mortifications qu’il s’attire peut-être un peu plus qu’il ne faudrait. On nous conte ici qu’il y exige à son passage tous les honneurs qu’eût pu exiger en sa place son fameux grand-oncle Armand, de si glorieuse mémoire : salves d’artillerie, premières visites, harangues, Te Deum. Il ne vit plus que de ces friands morceaux-là. Il avait demandé à je ne sais quel chapitre, sur son passage, harangue et Te Deum. Un vieux singe de chanoine se chargea de tirer d’affaire son chapitre, qui supportait cette semonce altière très impatiemment. Il vint à la tête de ses confrères comme pour haranguer. M. de Richelieu les reçut gravement. Les révérences faites et rendues, et le silence imposé, au lieu de harangue, le vieux prêtre dit au gouverneur : « Monseigneur, comment se porte le roi ? » L’autre, ébahi d’une question si familière, ne sonna mot. « Monseigneur, recommence le harangueur » nous vous prions de nous dire comment se porte le roi ? » Le duc n’y sut autre chose que de dire brusquement : « Fort bien. Après ? — Messieurs, dit le chanoine aux autres, vous entendez les bonnes nouvelles qu’on nous donne de la santé du roi ; allons, pour en rendre grâces à Dieu, chanter un Te Deum où, je crois, M. le gouverneur voudra bien assister. » Il y assista en effet, de peur de pis, et l’on fit ainsi danser M. le vaniteux, bien que les violons ne jouassent pas pour lui. Il n’a osé, depuis cet endroit-là de sa marche, demander des Te Deum. »


Cette page fait désirer la suite. Pourquoi le gardien des archives de Dresde se borne-t-il à éveiller ainsi notre curiosité ? Il le dit expressément : c’est que le manteau d’été, le manteau de gaze promis par le chroniqueur dissimule trop peu, dans cette correspondance royale, les scandales de la ville et de la cour au temps de Louis XV.

Laissons donc le duc détrôné de Courlande continuer à tromper ses ennuis en rédigeant des historiettes libertines. N’est-il pas pour quelque temps encore le septième convive du souper de Candide ? Charles-Edouard, après la chute de ses espérances, cherchera un étourdissement dans l’ivresse ; Théodore, roi de Corse et de Capraja, sera conduit à l’hôpital par la fainéantise ; Maurice de Saxe gaspille sa vie dans les plaisirs, et, malheureux de sa force inoccupée, tourmenté par son génie sans emploi, il finit, à ce moment