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la diète. On le devine du moins par une lettre qu’il écrit le 4 mars au comte de Friesen. La diète ! il l’appelle un monstre, bellua multorum capitum, un monstre qui parle sans cesse, écoute peu, n’agit point.


« A Mitau, le 4 de mars 1727.

« Me voilà enfin venu à bout de ce monstre qui a tant de têtes, plus de bouches, peu d’oreilles et point de bras, c’est-à-dire la diète. Tout s’y est terminé selon mes souhaits, et les Courlandais y ont confirmé tout ce qu’ils ont fait en ma faveur à la précédente. Sans avoir égard à toutes les foudres qu’on a lancées contre eux à Grodno, ils envoient un député à Varsovie, non pour traiter, mais pour protester contre tout ce qui s’est fait à Grodno contre eux, ainsi que notre commission qui doit venir, assurant qu’on ne la recevra pas[1]. Voilà, mon cher comte, où en sont les choses. Si vous trouvez que je me sois bien conduit pour un homme proscrit, sans argent, sans alliances et sans troupes, je serai très content, et votre suffrage me dédommagera de toutes mes veilles et mes peines… Je crois que l’on sera dans une belle fureur contre moi à Varsovie, et que le ministère saxon sautera aux nues… Priez Dieu pour moi ! Je vais entreprendre l’aventure la plus périlleuse. »


Un courageux député, M. de Médem, se charge d’aller porter à Varsovie les résolutions de la diète de Mitau. La diète polonaise, convoquée à la hâte (12 mars), ne tarde pas à se rassembler. Dans la séance du 24 mars, sur le rapport du grand-maréchal de la cour (oberhof marschall), elle décide à l’unanimité que les Courlandais sont des rebelles et donne l’ordre d’arrêter leur envoyé, si le roi ne s’y oppose. Le roi consent, sauf à intervenir plus tard, et M. de Médem est fait prisonnier.

Si les députés courlandais étaient toujours prêts à payer de leur personne aux heures décisives, ils refusaient pourtant à Maurice l’appui d’un service continu, d’une organisation régulière. Nul sacrifice de leur temps ou de leur fortune, impossible de mettre sur pied un corps de troupes. Le jour où Maurice écrivait à M. de Friesen : « Priez Dieu pour moi ! j’entreprends l’aventure la plus périlleuse ! » il tenait le même langage à sa mère, et, tout en remerciant la diète de son courage, il se plaignait amèrement des habitudes du pays. Cette dure expérience ne lui fut pas inutile ; il se la rappelait, je n’en saurais douter, lorsque, cinq ans plus tard, rédigeant, sous le titre de Rêveries, son bréviaire du général en chef, il s’occupait, dès le premier chapitre, de la manière de lever les troupes. Après avoir indiqué les différens procédés de son temps, procédés injustes,

  1. La phrase est si incorrecte, qu’elle en est presque inintelligible. Voici le sens : « ….. Pour protester contre tout ce qui s’est fait à Grodno, et aussi contre l’envoi de la commission polonaise, assurant qu’on ne la recevra pas. »