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avantageuse ; les autres l’exploitaient à leur profit ou laissaient péricliteriez affaires. Bien des ouvriers qui auraient pu devenir de bons gérans hésitaient à en accepter les fonctions de peur de perdre la main et de se trouver, après quelques années, hors d’état de reprendre leur travail. Toutes ces difficultés ont amené la dissolution de presque toutes les sociétés fondées en 1849. Parmi celles qui ont résisté jusqu’à ce jour, quelques-unes sont néanmoins très prospères ; telles sont celles des menuisiers en chaises, des facteurs de pianos, des ouvriers bijoutiers, et surtout celle des ouvriers maçons, dont le chiffre d’affaires, grâce à des circonstances exceptionnelles, est de plus de 1,500,000 francs.

En définitive, les associations ouvrières pour la production en commun ne sont pas fatalement condamnées à l’insuccès ; mais il faut que les ouvriers se persuadent que, loin de les dispenser de toute prévoyance, cette forme de l’association en exige au contraire plus que le régime du salariat, qu’ils ne doivent rien attendre que d’eux-mêmes, et qu’il n’y a de salut pour eux que dans la liberté. Il est certaines industries, notamment celles qui exigent des avances considérables ou des connaissances spéciales, qui seront toujours fermées à l’association ainsi comprise ; il en est d’autres au contraire qui ne pourront que gagner à se constituer de cette manière. En agriculture, nous en avons déjà un exemple remarquable dans l’exploitation des fromageries du Jura.

Quoique ne présentant pas les mêmes difficultés que les associations en participation de bénéfice, celles qui ont pour objet l’achat en commun d’articles de consommation n’ont pourtant pas encore pleinement réussi en France, ni même en Allemagne, malgré les efforts de M. Schultze-Delitsch pour les introduire dans ce dernier pays. Elles sont cependant nombreuses, en Angleterre. M. Huber, professeur à Berlin, dans un écrit consacré au sujet qui nous occupe, signale en Angleterre huit cents associations de cette espèce. Au moyen d’un fonds commun, constitué par souscriptions, elles achètent en gros les objets nécessaires à la vie et les revendent en détail aux associés. Elles offrent à ceux-ci le triple avantage de pouvoir se procurer à bas prix des denrées de bonne qualité, de placer avantageusement leurs économies dans une entreprise fructueuse, et de se créer un capital par l’accumulation des dividendes. Quelques-unes de ces associations ont joint à la vente diverses branches de production, comme la meunerie. Le nombre total des ouvriers anglais associés pouvait s’élever en 1858 à 45,000, et le chiffre annuel des affaires à 500,000 livres sterling. Une des associations les plus prospères, celle des Pionniers de Rochdale, fondée en 1844 par 28 individus, comptait en 1859 3,000 associés et possédait un capital de 30,000 livres sterling, représenté par des filatures et d’autres établissemens ; elle faisait pour 100,000 livres sterling d’affaires, et distribuait 10,000 livres sterling de dividendes. L’association des Moulins de Leeds fait annuellement pour 60,000 livres sterling d’affaires. Les autres pays sont moins favorisés, on l’a vu, sous ce rapport que l’Angleterre. Il existe cependant