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taï-pings qui menaçaient Shang-haï, ils n’avaient à leur disposition que trois cents marins français et cinq cents marins anglais. Les renforts sur lesquels ils comptaient et qu’ils reçurent bientôt n’augmentaient pas assez leur petite troupe pour qu’ils pussent refouler seuls la masse effrayante d’ennemis qui enfermait les concessions dans un cercle de feu. Nous ne trouvions chez les Chinois d’autres auxiliaires que leurs braves, bandes plus nuisibles qu’utiles; il fallut donc se créer de nouveaux moyens d’action. De cette nécessité naquirent les contingens chinois, disciplinés, commandés et armés à l’européenne. Déjà l’Américain Ward avait été investi par les indigènes du commandement de plusieurs centaines d’hommes, et par son intelligence, son audace et de nombreux services il avait acquis la confiance des autorités de la province; mais jusqu’alors son commandement n’était pas reconnu par les nations étrangères, dont les représentans l’avaient-même un jour fait emprisonner pour avoir enrôlé des déserteurs anglais et américains. Dans les circonstances difficiles où se trouvaient les alliés, l’amiral anglais n’hésita point à reconnaître officiellement Ward comme colonel chinois, lui donna des instructions et lui fournit des munitions. De notre côté, nous avions les restes d’un petit corps discipliné que le général Montauban avait créé, et qu’après son départ ses lieutenans avaient laissé se réduire : il ne comprenait plus guère que cent artilleurs, les fantassins ayant été licenciés; l’amiral français en porta le nombre à cinq cents hommes. C’est avec ce contingent et avec celui de Ward que les opérations commencèrent contre les Taï-pings; on sait par une relation publiée dans la Revue quels services ces contingens ont rendus[1]. Shang-haï délivré, Ward favorisé par sa nationalité de Chinois, qu’il avait embrassée, soutenu activement par l’amiral anglais qui espérait s’approprier un jour son contingent, ce qui arriva en effet, Ward se trouva naturellement à la tête des réguliers indigènes, et développa son contingent à un tel degré qu’il absorba toutes les ressources dont les mandarins de Shang-haï pouvaient disposer à cet égard.

Dès la fin de la guerre du nord, le gouvernement chinois s’était adressé aux Français seuls pour avoir des officiers et des armes: mais à cette époque on hésitait encore entre la dynastie tartare et la rébellion, l’ordre du jour était une neutralité complète : nous perdîmes par notre refus la prépondérance qui nous était offerte, et quand la politique eut condamné la cause rebelle, il était trop tard pour prendre le rôle que nous avions laissé échapper. Nous fûmes donc obligés de chercher un point du pays sur lequel nous

  1. Voyez la livraison du 15 avril 1863.