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et d’améliorer le service qu’elle a établi avec une si merveilleuse activité.

Toute la concession française présente aujourd’hui un aspect d’ordre, de bien-être et de prospérité. Des rues larges et bien entretenues, la rue Laguerre, la rue Montauban, la rue Collineau, etc., y reçoivent l’air et le soleil ; des constructions, dont le nombre a quadruplé depuis trois ans, s’élèvent de toutes parts ; au milieu d’elles se distinguent un vaste hôpital, une caserne occupée par un détachement du bataillon d’Afrique, et la jolie église de la mission, dont le toit élancé rappelle les églises de France. Le long des quais s’étend une chaussée magnifique et bordée de belles maisons, où l’on remarque encore avec peine un espace vide, celui qui est réservé à notre consulat ; elle est traversée en tous sens par des flots d’indigènes, et l’on aperçoit de loin en loin, à travers les vêtemens chinois, l’habit des Européens, le pantalon garance de nos soldats et la robe des missionnaires. Point de tumulte dans cette foule : la sécurité n’est pas moins complète que dans une ville d’Occident. Le mouvement du port est déjà très considérable ; près de la berge abordent les petits bâtimens ; les grands paquebots accostent des cales qui ont été lancées assez loin dans la rivière, et lorsque celles des Messageries impériales auront été établies, nos quais n’offriront pas moins d’animation que ceux de la concession anglaise.

Un état de choses aussi satisfaisant ne date pas de loin. Jusqu’en 1862, le consulat était resté chargé de l’administration, et le consul, n’ayant pour aide qu’un élève interprète, ne pouvait même suffire aux affaires de son ressort proprement dit. Les impôts ne se percevaient qu’en partie, la police fonctionnait mal ; si, au lieu de l’esprit d’ordre et de la douceur des indigènes du Kiang-sou, on avait eu en face de soi l’astuce et la cupidité des populations du sud de la Chine, pas un étranger n’eût pu rester en sûreté sur le terrain réservé aux Français. Le consul, M. Edan, qui résidait en Chine depuis douze ans, et qui avait à cœur l’état d’infériorité dans lequel nous y étions restés longtemps vis-à-vis des autres nations, saisit avec empressement les marques de bonne volonté et d’énergie qu’il vit dans les représentans de notre commerce, et, comprenant qu’il lui était impossible de gouverner à lui seul une population de quarante mille âmes, il prit sans hésiter la résolution qui a changé la face des affaires. Son procédé fut bien simple : il se contenta de copier ce que faisaient les Anglais, choisit les cinq premiers de nos négocians, et leur mit la concession en main. Ce conseil municipal vint, au bout d’un an, rendre compte de sa gestion aux land renters, et put affirmer sans vain orgueil qu’il avait opéré sur tous les points les plus heureuses transformations. « Quand nous avons ac-