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Les Anglais ont encore une singulière indulgence relativement aux irrégularités du service. Ce service est généralement très bien fait; mais les trains sont si nombreux, surtout les jours de fête, que les express eux-mêmes sont forcés de stationner souvent sur place devant des signaux d’arrêt. Le voyageur sait du reste d’avance à quoi s’en tenir, puisqu’il peut lire au revers de son ticket sur certaines lignes, que la compagnie ne répond pas plus de l’arrivée exacte du train aux heures indiquées par l’affiche qu’elle ne répond des bagages. En combien d’autres circonstances les railways anglais ne se déchargent-ils pas de la responsabilité qui pèse sur nos compagnies! En Angleterre comme chez nous, on accorde à certaines personnes la faveur d’un voyage gratuit ou à prix réduit; mais plusieurs compagnies font d’abord signer à celui qui l’obtient un acte par lequel il s’engage à n’élever aucune réclamation en cas d’accidens, de retard, de perte ou avarie de colis. Le public montre la même indulgence pour certaines manœuvres de gare qui lui impriment des secousses contre lesquelles on se révolterait sur nos lignes.

Quant à la tolérance anglaise relativement à la bonne tenue des railways, elle est souvent loin de s’accorder avec l’idée que nous nous faisons du comfortable britannique. Si nous avons emprunté ce mot à nos voisins, ceux-ci en revanche, de même qu’ils commencent à édifier des gares monumentales, nous empruntent beaucoup des habitudes en vigueur sur nos chemins de fer. L’ingénieur français qui a étudié, il y a dix ans, les railways d’outre-Manche les trouve bien changés aujourd’hui. Il y a moins de contraste encore entre les chemins de fer français et ceux du reste du continent : là où, comme en Suisse et sur les bords du Rhin, les railways ont conservé une certaine originalité, on constate un luxe décoratif du matériel et des gares, ainsi que des soins d’entretien qui manquent peut-être un peu trop chez nous ; mais les mesures prises en vue de la sécurité ne diffèrent des nôtres que par des variantes de peu d’importance. En Russie, en Autriche, en Espagne, dans l’Italie centrale, l’industrie des chemins de fer a été installée par des ingénieurs français. Naturellement on y trouve nos procédés, conciliés avec quelques habitudes locales. Cette tendance à la fusion des usages existe d’ailleurs partout. Trop longtemps chaque nation eut ses types et ses coutumes exclusifs. Il se fait de nos jours entre les peuples de l’Europe un échange de bons systèmes et de bonnes idées dont l’intérêt public profite, si le pittoresque local en souffre. Réjouissons-nous de cet heureux libre-échange, car les chemins de fer ne sont pas seulement un objet d’industrie et de spéculation; leur influence s’étend sur nos mœurs et sur nos besoins sociaux. Ceux de la France, appelés, dit-on, en raison de notre si-