Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 51.djvu/961

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vrai que le voyageur seul en wagon avec des malfaiteurs ne soit pas plus à portée des secours que le passant attaqué sur une route déserte, on va voir combien ici encore on a largement appliqué le système des mesures préventives. La police des gares est si bien réglée qu’un malfaiteur a plus de mal qu’on ne pense à s’y introduire et à prendre place dans un train. Dans le parcours, les précautions abondent : les femmes voyageant seules ont un wagon réservé; la même faveur s’accorde ordinairement à ceux qui portent avec eux des valeurs; dans l’obscurité de la nuit et des tunnels, toutes les voitures sont éclairées. Ce contrôle éternel qu’exercent à notre grand ennui pendant le trajet les agens du train est bien propre aussi à troubler les malfaiteurs, toujours sous le coup d’une surprise. Malheureusement cette promenade des agens sur les marchepieds extérieurs est très dangereuse pour eux; espérons qu’avec le temps, les voitures se perfectionnant, ce péril disparaîtra. En outre, au sommet des fourgons placés en tête et en queue du train, il existe une vigie vitrée d’où les employés peuvent apercevoir la plupart des signaux de détresse, et depuis quelques années on a établi entre les principaux agens préposés à la conduite des trains des moyens de communication imparfaits encore, mais non sans efficacité. Enfin les cantonniers en faction sur la voie contribuent aussi pour leur part à la commune sécurité, car ils sont placés de manière à voir les signaux de détresse et à les transmettre, comme tout symptôme alarmant. De là il faut conclure qu’il n’y a réellement à craindre en wagon l’absence totale de secours que dans ces attaques imprévues qui ne permettent pas d’appeler à l’aide même le voisin.

On a proposé de pourvoir chaque compartiment de wagon d’un appareil spécial d’alarme ; mais outre la difficulté d’adapter cet appareil, l’utilité de ce moyen d’appel n’est-elle pas problématique? Le malfaiteur le connaîtra sans doute aussi bien que la victime; son premier soin sera de le paralyser, et comme les agens du train compteront sur ce signal, ils resteront dans une trompeuse sécurité. D’un autre côté, c’est un fait grave que l’arrêt d’un train dans le parcours; nous avons exposé quel trouble et quels dangers il en résulte dans le mouvement général. Dans quelles limites sera-t-il permis aux voyageurs de solliciter au nom de leur intérêt privé cette perturbation d’un service public? On a, sur ce point, multiplié les essais de règlement, tous ont échoué devant les obstacles de l’application. Cependant si le problème n’a pas été résolu encore, il ne faut pas le déclarer insoluble. De la multiplicité des enquêtes et des inventions faites à ce sujet il sortira certainement quelque lumière. En ce moment même, plusieurs compagnies françaises viennent d’envoyer leurs chefs de service en Allemagne et en Angleterre pour