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la courbe et à s’échapper par la tangente. Pour neutraliser cette action qui pousse la voiture hors de la voie, on a relevé le rail extérieur de la courbe; les véhicules y prennent cette inclinaison du cavalier galopant dans un cirque. Des voyageurs croient alors que la voie est dénivelée et s’inquiètent : on équilibre au contraire ainsi la force centrifuge d’une façon aussi simple qu’ingénieuse.

Les aiguilles à changer de voie sont un mécanisme bien connu des chemins de fer, qui, malgré divers perfectionnemens, reste encore défectueux. Jusqu’à l’invention encore à venir d’un mode meilleur, voici à l’aide de quelles précautions on conjure les périls : d’abord, sur la voie courante, on a supprimé en principe les aiguilles, les ponts tournans et autres engins brisant la ligne des rails; les aiguilles dont le maintien reste indispensable s’ouvrent automatiquement au passage du train, de telle sorte qu’un oubli de l’agent entraîne rarement une conséquence funeste. En outre le convoi ne peut entrer dans l’aiguille qu’en reculant à petite vitesse, après un arrêt complet, et ainsi les trains lancés ne sauraient prendre une fausse direction.

Cette règle fondamentale admet deux exceptions : dans les gares et aux embranchemens. Dans les gares, la nécessité de faire communiquer toutes les voies dans un étroit espace pour composer et décomposer les trains force à prendre souvent les aiguilles en pointe; mais comme ces manœuvres se font à petite vitesse avec des wagons généralement vides et par les soins des meilleurs agens du service, les accidens sont rares et peu graves. Aux embranchemens de lignes qui ne partent point exactement d’une gare, la voie montante est pareillement prise en pointe, puis vient une intersection assez dangereuse au croisement des rails. Tous les jours on cherche à résoudre la difficulté que présente ici la pratique. En attendant la solution, les trains ne passent d’une ligne à l’autre qu’avec l’allure d’un homme au pas, et, pour forcer le mécanicien d’obéir à cette prescription, il lui est enjoint d’arrêter entièrement son train à 100 mètres de l’aiguille, et d’attendre pour s’y engager qu’il ait reçu le signal positif indiqué plus haut. Ce signal est donné en double par le préposé, avec son drapeau ou son fanal, et par un appareil, visible de loin, qui se place spontanément suivant la position des aiguilles. Enfin, pour qu’il y ait accord entre l’aiguilleur et le mécanicien, celui-ci indique de loin au premier, par un nombre donné de coups de sifflet, la direction qu’il doit prendre et la voie qui est à ouvrir. A Noisy par exemple, un coup prolongé demandera l’ouverture sur Strasbourg, et le sifflement sera triple pour la direction de Mulhouse. Tel est l’ensemble des précautions opposées aux chances de déraillement. Voyons à présent quelles sont les me-