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Outre son traitement annuel, qui peut s’élever à 1,500 francs, on lui donne dans certaines compagnies une gratification au bout de l’année passée sans punition. Tel est l’agent dont le rôle est si important dans la viabilité du chemin de fer. Après chaque passage de train, il parcourt à pied sa section; d’une main il tient le drapeau ou le fanal qui, en cas d’entrave accidentelle, commandera au train de s’arrêter; de l’autre il porte l’instrument propre à consolider l’assise des rails lorsqu’ils commencent à s’ébranler. Il a dans sa guérite une caisse d’outils pour faire sans retard les réparations qu’un seul homme peut exécuter. Quant aux pièces de rechange, elles sont placées en réserve vers le milieu de sa section : ce sont six rails neufs avec leurs pièces accessoires cadenassés entre deux montans; plus d’un voyageur les a sans doute aperçus au bord de la chaussée durant le trajet. Si le cantonnier, aidé de son voisin, ne peut réparer la voie, il demande à la gare, par des signaux répétés de poste en poste, l’équipe d’ouvriers toujours prête. Pendant la réparation et tant que la voie remaniée n’a pas subi l’épreuve du passage des trains, on maintient un signal qui oblige le mécanicien à redoubler d’attention. Ce n’est pas assez des cantonniers circulant à pied; après eux viennent les inspecteurs et les chefs de section, montés sur les locomotives pour constater si la voie garde son assise sous la charge et si les cantonniers sont à leur poste. Les agens du train font en outre à leur arrivée un rapport à leur chef respectif; ils signalent les incidens de la route et les points où la voie ébranlée imprime aux véhicules d’inquiétantes secousses.

Les signaux des cantonniers sont positifs; cela veut dire qu’on ne se borne pas à indiquer la liberté de la voie par l’absence des signaux de détresse, mais qu’on certifie le fait par un acte convenu au-devant de chaque train. Le cantonnier est averti de l’approche d’un train par un son de trompe venu du poste précédent; il y répond et il le transmet au suivant, qui lui répond de même que tout est en état; alors il se place en faction avec son drapeau ou son fanal, prêt à donner le signal d’arrêt, s’il en est besoin. Dans certains cas même, si le cantonnier est absent ou le fanal éteint, l’arrêt aura lieu de plein droit, et le chef du train, avant de reprendre sa marche, devra constater que rien ne s’y oppose. Enfin les mécaniciens, quand ils se croisent, s’appellent par un coup de leur sifflet strident, puis ils se font de la main un signe qui veut dire que tout est en ordre derrière eux.

A l’origine, les chemins de fer avaient plusieurs défectuosités constitutives que l’expérience a corrigées; mais il reste encore les courbes et les aiguilles, qui donnent toujours un peu d’inquiétude au voyageur. Dans les courbes, il existe une force dite centrifuge qui sollicite les corps en mouvement circulaire à fuir du centre de