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à la vitesse de 10 mètres, on trouve que la moindre impulsion est encore dans le train français .

Nous sommes loin d’avoir indiqué toutes les causes d’insécurité qui menacent les voyageurs sur les chemins de fer. Il faut encore, dans le service, compter avec les forces humaines. Ce n’est point ici une remarque banale. Pendant la course effrénée d’un train, il se produit des effets physiques particuliers qui ne permettent pas toujours aux agens du personnel d’être en pleine possession de leurs facultés. On admire la naïveté d’un mécanicien qui, poursuivi en justice à la suite d’un accident, fait cette simple réponse : « J’ai remarqué le signal trop tard; » mais le voyageur assis dans sa voiture ne se doute pas de ce qu’endure le mécanicien debout sur la locomotive par le froid et par le soleil. Le vent qui le repousse, la poussière qui l’aveugle, la pluie ou la neige qui fouettent son visage, lui infligent quelquefois de véritables tortures. Aux fatigues d’un voyage de quinze heures et plus s’ajoute pour les agens la nécessité de faire leur service aux stations. Qu’on juge si, dans de pareilles conditions, il est aisé de tenir ses sens en éveil sur tous les signaux et sur les mille difficultés imprévues de la route.

Une autre cause de préoccupation sérieuse, c’est le mouvement des voyageurs et des marchandises, soumis à des fluctuations qui déjouent parfois tous les calculs. Les compagnies ne peuvent qu’en des cas très rares refuser satisfaction aux exigences du public. Nous ne répéterons pas ce mot, trop souvent redit au hasard, que les multitudes ont en France une indocilité particulière au caractère national: nous avons pu nous convaincre de nos propres yeux que les foules se ressemblent en tous les pays, et que l’impatience de l’attente leur donne partout les mêmes allures indisciplinables. Ce qui est propre à la France, c’est un respect de la vie humaine qui, en matière d’accident, ne limite pas la responsabilité; c’est aussi un penchant à trop compter sur l’autorité pour nous sauver de notre propre imprudence. De là viennent tant de mesures de police qui nous gênent et qui nous irritent. En Angleterre, il y a dans les gares des tableaux indicateurs qui fournissent tous les renseignemens nécessaires au voyage; tant pis pour qui ne fit point ou ne comprend pas : l’employé de service, interrogé, ne prend pas même la peine de répondre, et il faut être Français pour lui renouveler sa question. Sans doute, dans cette manière d’être et d’agir, l’Anglais tombe parfois dans l’excès opposé au nôtre; mais si nous pouvions apprendre de lui à nous gouverner un peu plus nous-mêmes durant les trajets en chemin de fer, une foule de complications disparaîtraient du service. Or rien ne constitue de plus graves embarras que ces complications, ajoutées à tant d’autres rouages. Pour en achever le ta-