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sorts tarés d’avance appelé dynamomètre (mesureur de la force), instrument d’origine toute française. Ces ressorts, pliant sous la charge comme ceux des appareils vulgaires appelés pesons, ont fait connaître que, pour entraîner sur les rails un véhicule pesant une tonne (1,000 kilogrammes), il fallait que la locomotive exerçât un effort qui varie de 4 à 10 kilogrammes suivant la vitesse du transport : 4 kilogrammes suffisent dans la lente traction d’un train de marchandises; les trains express exigent 10 kilogrammes par tonne remorquée, malgré les soins apportés aux voitures, en raison des secousses et perturbations de tout genre qui dérivent de la vitesse. Un train express du poids de 100 tonnes demanderait donc cent fois 10 kilogrammes, soit 1,000 kilogrammes d’effort, tandis que le train à petite vitesse se contentera d’un effort moteur égal à cent fois 4 kilogrammes, soit 400 kilogrammes. En multipliant ces efforts par la vitesse du train en une seconde (8 mètres dans le cas de la petite vitesse, et 25 mètres dans le cas du train express), on a 3,200 et 25,000 kilogrammètres, qui, à raison de 75 kilomètres par cheval, ainsi qu’il vient d’être dit, donnent, après division, 43 et 333 chevaux de puissance à demander à la locomotive. On a proposé de généraliser sur les chemins de fer le système du train dit impérial, avec salons, buffet, lits, terrasse. D’après le nombre accoutumé des voyageurs, le poids total du train serait d’environ 300 tonnes. Si l’on se proposait de lui faire parcourir cent lieues à l’heure, suivant certaines promesses récentes dont la Revue a déjà parlé, chacun, refaisant le calcul précédent, trouvera que le nouveau remorqueur devrait être de la force de 4,000 chevaux, et qu’on ne dépasserait pas 130 chevaux avec la vitesse de 8 mètres par seconde, d’où il ressort déjà que la célérité sur les chemins de fer contribue à compliquer le service par un surcroît de puissance motrice à créer.

Cette production de force motrice est entourée de difficultés spéciales dont il faut aussi tenir compte. Le puissant moteur d’un chemin de fer ne doit pas excéder le poids de 12,000 kilogrammes sur chaque essieu; le nombre de ceux-ci ne peut être supérieur à quatre, et la longueur de 5 mètres est l’extrême limite qu’on peut assigner à l’écartement des essieux. La locomotive et le tender qui porte ses provisions tiennent nécessairement sur un espace de 13 mètres de long sur 3 mètres de large et à mètres de hauteur. Tel est le volume maximum d’une machine à vapeur de 600 chevaux sur un chemin de fer; c’est celui d’un appareil de 40 chevaux dans une usine ou un navire. Les ingénieurs ont donc été forcés de demander à la célérité des organes mécaniques dans leur jeu et à la tension formidable de la vapeur la puissance motrice que l’espace refusait. La tension de la vapeur des locomotives atteint aujourd’hui jusqu’à