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stituer une telle agglomération au sein d’un pays si écarté et si déshérité sous le rapport des voies de communication[1]. Morez a dû puiser tout en elle-même, tout demander à des applications importées de la veille.

Ce n’est plus au bois que s’attaque ici la main de l’ouvrier, ou du moins la mise en œuvre de cette matière ne figure que dans des fabrications accessoires; la place principale est à divers métaux, le cuivre, le fer, la tôle, etc. Les produits ne pouvaient être des articles trop lourds, absorbant une trop forte quantité de matière et grevant l’industrie de frais de transport considérables. Une fabrication particulière s’adaptait merveilleusement aux exigences locales, l’horlogerie. Elle avait l’avantage, durant la saison si longue où la neige et le froid entravent tout mouvement extérieur, de fournir un moyen d’occupation sous le toit domestique. Aussi, après avoir marqué le début de cette contrée dans la vie industrielle, l’horlogerie y reste-t-elle toujours la branche principale du travail. Elle a été la mère et la patronne des autres applications installées auprès d’elle. Le fond du ravin n’avait pas été son premier berceau; elle s’était implantée d’abord, une trentaine d’années plus tôt, à deux ou trois kilomètres dans les montagnes, au village de Morbiers, où elle emploie encore tous les bras, mais pour le compte de la nouvelle cité.

Connue dans le commerce sous le nom d’horlogerie de Comté, la spécialité morézienne embrasse les divers genres d’horloges à poids, telles que les horloges pour les églises, les mairies, les écoles, les usines, les chemins de fer, et toutes les pendules renfermées dans de hautes caisses en bois peint, si nombreuses en province. À ces fabrications courantes s’ajoutent des régulateurs établis avec des soins particuliers, quoique d’après le même système, les horloges à poids se réglant, comme on sait, beaucoup mieux que les horloges à ressort. Ces dernières ne sont pas d’ailleurs délaissées par les fabricans, qui ont au contraire, depuis longtemps déjà dans cette branche spéciale, des types fort connus, tels que des pendules de voyage à poignée, des pendules dites pendules-bornes à grande sonnerie. Ce ne sont pas là toutefois leurs produits caractéristiques.

Les besoins immédiats de l’horlogerie alimentent divers ateliers importans, ceux par exemple où se fondent les roues et les timbres, où se confectionnent les cadrans. Cette dernière application a conduit par la similitude du travail à la fabrication des plaques sur

  1. Le chiffre des affaires industrielles monte à Morez de 6 millions à 6,500,000 fr., tandis qu’à Saint-Claude, avec un nombre d’ouvriers double, mais avec une matière première d’une valeur beaucoup moindre, le chiffre de la production ne dépasse point 4 millions de francs.