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qu’il étonne si souvent le monde par ses contradictions, ses défaillances, ses singuliers retours.


II.

La révolution française, en faisant table rase des institutions du passé, en ne laissant subsister en face l’un de l’autre que l’individu et l’état, se donna la tâche difficile de tout créer à nouveau sur le modèle de la pure logique. Tout ce que faisaient autrefois l’église, les universités, les ordres religieux, les villes, les provinces, les corporations, les classes diverses, l’état dut le faire. Il serait facile de montrer qu’en cela la révolution n’innova guère, qu’elle ne fit que suivre la voie ouverte par la royauté du XVIIe siècle. Quoi qu’il en soit, le principe fut appliqué avec beaucoup de rigueur dans l’ordre qui nous occupe. L’état nouveau accepta l’héritage de la vieille université ; il enseigna. Il eut des écoles de tous les degrés, depuis l’école de village jusqu’à l’école scientifique de l’ordre le plus élevé. Un tel système, se combinant avec la nature particulière de l’esprit français, produisit des résultats singulièrement originaux, et qu’il est bon, à la distance où nous sommes, d’étudier dans leur ensemble. Je m’abstiendrai de tout jugement sur l’enseignement primaire et secondaire, non que j’en méconnaisse la capitale importance, mais parce que l’instruction supérieure a des intérêts à part, et qui suffisent pour le moment à nos réflexions.

L’enseignement supérieur, tel qu’il sortit de la révolution (sous ce mot, je renferme l’empire, suite et développement naturel du mouvement qui l’avait précédé), se composait de trois séries d’établissemens : 1° d’écoles spéciales chargées de transmettre certaines connaissances d’une nécessité absolue pour l’état (l’École polytechnique par exemple), 2" d’établissemens de science pure uniquement chargés d’augmenter le trésor des vérités acquises et de continuer la tradition de la recherche savante (Collège de France, Muséum, etc.), 3° des facultés des lettres et des sciences, chargées de répandre un enseignement plus élevé que celui des collèges, sans aucune vue d’application immédiate, sans autre but que la culture désintéressée de l’esprit.

L’admission dans les écoles spéciales étant assujettie à certaines conditions, ces écoles possédèrent tout d’abord un public déterminé. Leurs amphithéâtres, tout en s’ouvrant parfois avec beaucoup de libéralité à quiconque en exprimait le désir, eurent un auditoire fixe, compétent, ayant prouvé qu’il possédait les connaissances préalables. Il n’en fut pas de même des établissemens scientifiques et des facultés. Comme la gratuité absolue était et devait être la loi de tels